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leté et de vigueur dans la résistance. La cavalerie de Holkar, qui tenait la campagne, et les bandes indisciplinées de son allié Amir-Khan harcelaient journellement les troupes anglo-indiennes, déjà si maltraitées par les assiégés. Les cipayes du Bengale se conduisirent dans ce siège en véritables héros. La politique anglaise savait exploiter à son profit le courage de ces Hindous tant méprisés, qui se déchiraient entre eux au profit de conquérans étrangers. Un jour, il est vrai, cette magnifique armée du Bengale devait tourner contre les Anglais ses baïonnettes et ses canons, et se rallier sur les pas d’un Mahratte.

Les soldats de Djeswant-Rao et ceux du râdja de Bharatpour se battaient avec tant d’énergie, que la fleur de l’armée anglo-indienne tomba bientôt autour des murailles, moissonnée par les balles et les boulets[1]. De son côté, la garnison avait fort peu à souffrir. La prolongation de ce siège meurtrier allait compromettre le succès de la campagne; lord Lake, arrêté avec son armée devant la ville de Bharatpour, entretenait parmi ses troupes la discipline, l’ordre et le courage moral, qui font souvent défaut aux indigènes. Plus la résistance se prolongeait, et plus le dénoûment devait être désastreux pour les vaincus. Le râdja de Bharatpour, craignant un revers, et découragé par l’attitude inébranlable des assiégeans, envoya son propre fils vers lord Lake pour lui demander à traiter. Il avait à se faire pardonner sa récente défection. Holkar victorieux l’eût sans doute opprimé et pillé; en se soumettant aux Anglais, il ne sacrifiait que son indépendance, déjà bien compromise. Le général anglais accepta sans hésiter la soumission du râdja, qui chassa Djeswant-Rao de ses murailles avec plus de joie sans doute qu’il ne l’y avait vu entrer. Le râdja en fut quitte pour une amende de 5 millions de francs, et le hardi Mahratte, trompé dans ses dernières espérances, reprit sa vie errante. Il se retirait, trahi, mais non vaincu, devant un ennemi tant de fois victorieux, et qui cette fois se contentait de ne plus l’avoir en face.

Autant Djeswant-Rao-Holkar mettait de hardiesse et de décision dans ses mouvemens, autant Dowlat-Rao-Sindyah montrait d’hésitation et d’embarras dans sa conduite. Ce dernier n’avait rien de plus à cœur que de recommencer la guerre avec les Anglais; ses conseillers l’y poussaient, et les mensonges ne coûtaient pas plus au mahârâdja que les flatteries, quand il s’agissait de tromper ou d’endormir la vigilance des officiers de l’armée britannique. Il cherchait

  1. D’après le capitaine Grant Duff, trois mille deux cent trois hommes furent tués ou blessés, et ces derniers, que l’on ne pouvait ramener au camp, étaient achevés par l’ennemi. Dans les quatre assauts infructueux qu’elle livra, l’armée anglaise ne perdit pas moins de cent trois officiers européens.