Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/585

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
GENÈVE
SOUS
LE GOUVERNEMENT RADICAL



Quand on arrive à Genève par le chemin de fer de Lyon, les premiers édifices qu’on remarque sont une synagogue juive, un temple maçonnique, une église catholique, et quelques pas plus loin une coquette petite chapelle anglicane. Ces divers temples, récemment construits sur des terrains donnés par l’état, attestent d’une manière assez éclatante la tolérance qui règne aujourd’hui dans la cité de Calvin. En sortant de la gare, si l’on suit la rue qui conduit au quai du Mont-Blanc, on aperçoit bientôt un bel hôtel appartenant au président du conseil d’état, et dont le premier étage est occupé par une maison de jeu : autre signe, bien différent, qui semble indiquer, dans le domaine des idées morales, une réaction singulière contre le rigorisme calviniste. Ce sont là deux traits tout à fait caractéristiques de la métamorphose que Genève est en train de subir. Pour vaincre les vieux préjugés, les répugnances héréditaires qu’inspirait toute atteinte portée à l’organisation établie par le puissant réformateur, il a fallu donner libre essor à l’esprit révolutionnaire, qui, dans l’ardeur de la lutte, n’a pas craint de fouler aux pieds des principes et des mœurs que trois siècles de durée semblaient rendre inviolables.

La Genève intelligente et lettrée éprouvait-elle donc le besoin de rompre avec son passé ? La chose n’est pas bien démontrée. Elle aimait ses rues étroites, pleines d’anciens souvenirs, ses fortifications, qui l’avaient plus d’une fois préservée. Quoique petite ville par son étendue, elle tenait depuis longtemps sa place au rang des états les