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s’empressa d’accorder à ses vociférations, et qui, quelques semaines plus tard, se mit à l’œuvre. Son travail eut pour objet d’introduire les modifications demandées sans trop changer l’ensemble du système. Elle réduisit le nombre des conseillers d’état de vingt-huit à douze, en élevant leur traitement à 2,000 francs au lieu de 800, divisa le canton en dix collèges électoraux dont quatre pour la ville et six pour la campagne, abolit le cens, institua le jury, et dota la ville d’un conseil municipal élu par les citoyens. La nouvelle constitution semblait ainsi répondre à toutes les exigences que le Trois-Mars avait formulées; mais à son début le suffrage universel trompa l’espoir du parti radical, qui, tout en ayant l’air de ne demander que des réformes, voulait une révolution, dont pour lui le 22 novembre n’était que le prologue. Les conseils sortirent de l’épreuve avec une grande majorité conservatrice, tandis que l’opposition, aigrie par cet échec, jetait le masque et se montrait résolue à recourir aux armes. Alléché par un premier succès, le peuple retrouva ses anciens goûts séditieux. Au mois de février 1843, il essayait de nouveau sa force par une émeute où le sang coula; puis, malgré le bienfait d’une amnistie plus généreuse que prudente, il s’obstina de plus en plus à refuser toute espèce de réconciliation avec le parti, pourtant très libéral, entre les mains duquel le suffrage universel avait remis le pouvoir.

Ce fut le conseil-général qui cette fois servit d’instrument aux agitateurs. Le grand-conseil s’étant prononcé pour de nouvelles tentatives de conciliation avant de déclarer la guerre au Sonderbund, une assemblée populaire s’improvisa sur la place publique, dans le quartier de Saint-Gervais, centre du radicalisme, et se tint en permanence pendant deux jours, à la suite desquels eut lieu le déplorable conflit du 7 octobre 1846, qui porta au pouvoir M. James Fazy. Alors, le conseil d’état ayant abdiqué ses pouvoirs, un gouvernement improvisé dans la rue prit sa place et convoqua les électeurs pour nommer une nouvelle constituante dont la tâche était déterminée d’avance par une proclamation formulant en six ou sept paragraphes les prétendus ordres du peuple. On remania la population électorale, qui fut divisée en trois collèges : ville (environ 29,000 âmes), rive droite du lac (environ 8,000), rive gauche (environ 25,000). Cette division fort inégale avait pour but d’amoindrir l’influence de la ville et de noyer les communes rurales protestantes dans une forte majorité catholique. Le chiffre des membres du conseil d’état fut fixé à sept, et leur traitement à 5,000 fr.; ils devaient être élus pour deux ans par le conseil-général, c’est-à-dire par l’ensemble des électeurs du canton, réunis en un seul collège à la ville. On réduisit également le nombre des députés au