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ils pas une température plus rigoureuse ? Quel avantage trouverait-on à revenir à ce climat sibérien ? Les marais ne sont-ils pas moins nombreux aujourd’hui que lorsque des forêts sans limites empêchaient les eaux de s’écouler ? Et l’humidité perpétuelle qu’elles entretenaient n’était-elle pas une cause d’insalubrité permanente, dont nos tables de mortalité constatent aujourd’hui la disparition ? Que dire enfin d’une mesure qui ferait reculer le blé devant le chêne, et nous forcerait, en nous remettant au régime de nos ancêtres, à chercher notre nourriture dans les bois ?

En présence d’opinions aussi divergentes, s’appuyant du reste l’une et l’autre sur des faits réels, ceux qui n’avaient pas de parti-pris attendirent que le temps vînt leur apporter des lumières. Ils ne comprirent pas que ces faits, en apparence contradictoires, prouvaient seulement que l’influence des forêts, au point de vue climatologique, est le résultat de phénomènes très complexes et encore imparfaitement étudiés. Les effets que l’on constate à la suite d’un défrichement ou d’un reboisement sont si variables et dépendent de tant de causes, souvent purement locales, que ce n’est qu’après une étude générale, entreprise non-seulement dans une contrée déterminée, mais sur différens points du globe, qu’on pourra, au moyen des données recueillies, asseoir la théorie complète de cette influence et déterminer avec précision les parties qu’il serait utile de conserver boisées, comme celles qu’il serait sans inconvénient d’abandonner à l’agriculture[1]. Toutefois, si parmi les effets qu’on attribue à la présence des forêts il en est quelques-uns sur lesquels la science n’a pas dit son dernier mot, il en est d’autres au contraire qui se présentent avec un caractère de généralité qu’on ne peut méconnaître, et qui permettent de remonter aux causes qui les ont engendrés. De ce nombre est par exemple l’action des forêts sur le régime des eaux. Cette influence mérite qu’on l’étudie avec une attention particulière. Après en avoir analysé les résultats et constaté que, dans certaines limites, le reboisement des parties actuellement dénudées de notre territoire serait un moyen préventif souvent efficace contre les inondations, qu’il contribuerait à l’alimentation des sources comme à la régularisation des cours d’eau, il faudra chercher sur quels points il paraît le plus urgent d’y procéder sans retard, et la discussion des moyens pratiques d’exécution terminera cette étude, dont elle forme la conclusion naturelle.

  1. Dans l’état présent de la question, l’incertitude est telle qu’il a été impossible jusqu’à ce jour de rédiger sur le défrichement des bois particuliers un projet de loi satisfaisant, ayant pour objet de mettre un terme au régime provisoire sous lequel ils sont placés depuis trente ans.