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des autres causes frigorifiques se développant dans la même proportion, la présence des forêts tend constamment à faire baisser la température. Cette vérité a été prouvée par les nombreuses observations auxquelles s’est livré M. Boussingault dans les régions comprises entre les 11e degré de latitude nord et 5e degré de latitude sud ; elle explique parfaitement pourquoi l’Amérique est moins chaude que l’Afrique.

L’action des forêts sur les pluies, très difficile à préciser dans nos pays, est donc parfaitement accusée dans les pays chauds, et constatée par de nombreux exemples. M. Boussingault rapporte que dans la région comprise entre la baie de Cupica et le golfe de Guayaquil, région couverte de forêts immenses, les pluies sont presque continuelles, et que la température moyenne de cette contrée humide s’élève à peine au-dessus de 26 degrés. M. Blanqui, dans son voyage en Bulgarie, raconte qu’à Malte les pluies étaient devenues si rares depuis qu’on avait fait disparaître les arbres pour étendre la culture du coton, qu’à l’époque de son passage (octobre 1841), il n’y était pas tombé une goutte d’eau depuis trois ans. Les affreuses sécheresses qui désolent les îles du Cap-Vert doivent également être attribuées au déboisement. À l’île de Sainte-Hélène, où la surface boisée a considérablement augmenté depuis quelques années, on a remarqué que la quantité de pluie s’était accrue dans la même proportion ; elle est aujourd’hui le double de ce qu’elle était pendant le séjour de Napoléon. En Égypte enfin, des plantations récentes ont amené des pluies à peu près inconnues jusqu’alors.

Dans nos climats tempérés au contraire, le morcellement de nos forêts empêche de déterminer exactement l’influence qu’elles exercent sur les pluies. Les observations hygrométriques effectuées sur différens points de la France, en raison des résultats très divers qu’elles ont fournis, ne permettent pas, dans l’état actuel de la science, de formuler en termes précis la loi générale qui préside à ces phénomènes et d’en déduire les conséquences pratiques qu’elle pourrait comporter. Nous ne pouvons donc, en attendant que de nouvelles études aient éclairé le côté météorologique de la question, que nous borner à l’examen de l’action des forêts sur le régime des eaux au seul point de vue des effets mécaniques et physiques.

La pluie qui tombe sur nos continens se distribue ainsi : une partie s’écoule à la surface du sol, se rend directement dans les cours d’eau, puis à la mer ; une autre partie s’évapore quelques instans après sa chute, et retourne dans l’atmosphère ; une troisième partie enfin est absorbée par les terres. C’est la première et la troisième de ces parties qui alimentent exclusivement les sources et les rivières, la deuxième leur étant totalement soustraite. Cette