Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/655

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

population, dont les résultats ont été publiés officiellement à la fin de décembre 1856. Les chiffres de 1856, comparés à ceux de 1851, indiquent pendant cette période quinquennale, dans la population de cette région, un accroissement de 101,000 habitans, Au premier abord, ce résultat semble dénoter une contrée en voie de progrès et en pleine prospérité ; mais, en étudiant ces chiffres d’un peu plus près, on ne tarde pas à être péniblement désabusé. Le relevé par département montre en effet que l’augmentation n’a porté que sur ceux des Bouches-du-Rhône, du Var, de Vaucluse, du Rhône, de la Loire, du Gard, des Pyrénées-Orientales et de Saône-et-Loire, pour lesquels elle a été de 204,100 habitans, tandis que pour tous les autres la diminution a été de 103,800 habitans. Or, si l’on remarque que les premiers sont à peu près tous situés en plaine, dans des conditions très favorables ; qu’ils renferment en outre des centres de population comme Lyon, Saint-Étienne, Marseille, Toulon, Montpellier, Nîmes, etc., dont l’importance et la richesse s’accroissent tous les jours, on verra que la diminution porte exclusivement sur les pays montagneux et naturellement pauvres[1]. Que conclure de ce fait, sinon que certains départemens deviennent de jour en jour moins aptes à nourrir leurs habitans, que les sources de la production s’y tarissent, qu’en un mot ils s’appauvrissent ? Plusieurs causes ont contribué à produire ce triste résultat : la maladie de la vigne et celle des vers à soie ont dû ruiner bien des familles sans doute ; mais elles n’ont pu avoir d’influence que sur quelques points restreints, tandis que les inondations, les ravages des torrens, le desséchement des cours d’eau, conséquences inévitables des déboisemens, ont dû agir avec une intensité plus réelle et causer un malaise beaucoup plus général.

Nulle part du reste cette décadence ne s’est manifestée d’une manière plus terrible et plus continue que dans les deux départemens des Alpes et dans les parties montagneuses de l’Isère et du Var. Dans les Basses-Alpes seulement, de 1846 à 1851, la population a diminué de 5,000 habitans, et de 1851 à 1856 de 2,400. L’étendue des terres cultivées, qui était de 99,000 hectares en 1842, n’était plus en 1852 que de 74,000 hectares : 25,000 hectares avaient été, en l’espace de dix années, emportés par les torrens ou stérilisés par les abus du pâturage ! Suivant M. de Lavergne, les deux départe-

  1. Le département du Rhône s’est accru de 51,000 habitans, dans lesquels Lyon seul figure pour 35,000 ; — Marseille a passé de 195,000 à 234,000, différence en plus 39,000 ; — Saint-Étienne de 78,000 à 94,000, différence 16,000, etc. La population de la Haute-Garonne a diminué de 400 habitans, quoique celle de Toulouse eût augmenté de 10,000 ; ce qui prouve bien que ce sont surtout les grandes villes qui ont gagné, et non les campagnes.