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sera du reste considérablement facilitée, sur bien des points, par l’action puissante de la nature, qu’il suffit d’abandonner en quelque sorte à elle-même en supprimant le pâturage. C’est donc à seconder ce travail naturel qu’il faudra surtout s’attacher, garantissant ces plantations contre les érosions pendant les premières années. Restreintes dans ces limites, les dépenses n’excéderont probablement pas une moyenne de 100 francs par hectare. En admettant le chiffre de 1,268,000 hectares, donné par M. Lacave-Laplagne, comme représentant l’étendue des terrains à reboiser, ce serait une dépense première de 126,800,000 fr. à répartir sur dix ou quinze années. Un emprunt de pareille somme au taux de 5 pour 100 demande un intérêt annuel de 6,340,000 fr. À ce chiffre il faut ajouter la rente à payer, dans notre hypothèse, pour l’acquisition de 1,214,000 hectares, appartenant aux communes et aux particuliers. Ces terrains sont aujourd’hui dans des conditions telles que le produit net par hectare n’excède certainement pas la somme de 10 fr. En adoptant cette moyenne, on aurait à payer pour ce chef une rente annuelle de 12,140,000 francs, qui, jointe à la précédente, porterait à près de 19 millions la somme que coûterait annuellement à l’état l’acquisition de 1,268,000 hectares de bois. Ces forêts, une fois exploitables, rapporteraient un revenu minimum de 20 francs par hectare, c’est-à-dire environ 25 millions, en sorte que les avances faites ne tarderaient pas à être couvertes par les produits de l’opération.

Tous ces chiffres, nous l’avons déjà dit, sont hypothétiques, mais ils suffisent pour faire comprendre que le reboisement, non-seulement n’exigerait aucun sacrifice, mais pourrait même, au point de vue pécuniaire, être la source de bénéfices considérables. Là ne se borneraient pas les avantages qu’il présente. En rendant les inondations moins fréquentes et moins désastreuses, en arrêtant les ravages des torrens, il diminuerait non-seulement les dépenses que l’état est obligé de faire pour l’entretien et la réparation des routes, digues et ponts exposés à ces fléaux, mais il contribuerait encore à sauvegarder les capitaux énormes que coûte au pays chaque nouvelle crue. Enfin, la conservation des sources, la régularisation des cours d’eau auraient pour résultat de détruire les effets des sécheresses, de faciliter la navigation fluviale, de faire jouir des bienfaits des irrigations des contrées qui en sont aujourd’hui totalement privées, et d’augmenter dans une proportion énorme les produits qu’elles sont susceptibles de fournir. Cette augmentation, qui n’est pas évaluée à moins de 100 francs par hectare par M. Aristide Dument[1], donnerait, rien que pour les 400,000 hectares restant

  1. Des Travaux publics dans leurs rapports avec l’Agriculture, par M. A. Dumont, ingénieur des ponts et chaussées.