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dieux et sanglans forfaits, ou elle se révèle dans un mot. Toutes les fois que l’Europe est remuée, cette plaie vive se rouvre comme une vieille blessure, et, par une invincible réciprocité, toutes les fois que l’Italie se remue un peu, l’Europe se sent mal à l’aise. C’est une histoire éternelle.

Il est vrai, dans cette marche séculaire, et au milieu du mouvement des choses, la question italienne change bien souvent d’aspect. Comme elle embrasse une multitude d’élémens, — luttes d’indépendance, antagonismes locaux, conflits de systèmes politiques, — et comme elle se lie en même temps à tout ce qui existe, elle se modifie, ou semble se modifier avec les événemens dont elle subit l’influence, et elle se complique indéfiniment. Elle roule, comme un torrent troublé qui côtoie toutes les rives et va on ne sait où, — toutes les passions et tous les intérêts. Au demeurant, à quoi se réduit-elle aujourd’hui dans sa simplicité redoutable ? Bien évidemment c’est une question d’indépendance, et dans ce travail contemporain, où les souffrances d’un peuple se mêlent aux plus grands problèmes de la politique générale, l’Autriche apparaît comme l’héritière de toutes les dominations étrangères au-delà des Alpes, de même que le Piémont, par une sorte de fatalité de son histoire, par la nature de ses institutions nouvelles, un peu aussi par entraînement peut-être, devient le champion avoué, quoique bien inégal en forces, de toutes les espérances et de tous les instincts qui ne peuvent se faire jour dans les autres parties de la péninsule.

Quand on regarde au fond de toutes ces agitations qui composent la vie convulsive et mystérieuse de l’Italie, il est impossible en effet de n’être pas arrêté aussitôt par une cause essentielle, par une anomalie permanente et périlleuse, source et mère de toutes les autres. Les hommes d’état réunis il y a trois ans pour sceller de nouveau la paix européenne eurent la pensée d’obtenir au moins quelques allégemens intérieurs pour la péninsule, et ils allèrent droit à Rome et à Naples. On n’a pas tardé à voir qu’on s’égarait dans une voie sans issue, parce que la question était réellement ailleurs, parce que, si le mal existe à Naples et à Rome, il n’est pas là essentiellement. Le mal ne s’appelle pas Pie IX ou Ferdinand II, il s’appelle avant tout l’étranger, qui a été sous bien des noms au-delà des Alpes, et qui ne devrait y être sous aucun nom. De quelque façon qu’on juge les choses, il y a toujours entre le Pô et le Tagliamento deux des plus belles et des plus fertiles provinces, deux états à vrai dire, la Lombardie et la Vénétie, qui, avec une population de près de six millions d’hommes, et avec des villes telles que Milan, Venise, Vérone, Mantoue, Pavie, ne s’appartiennent pas. L’Autriche a l’avantage ou le malheur de posséder ces régions du nord, qui, par