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en se personnifiant en lui, apparaît aujourd’hui sous une forme nouvelle, comme une puissance à demi reconnue. Lorsque M. Mazzini soufflait sur toutes les passions de discorde en 1848 et fomentait toutes les divisions pour en venir à dire qu’il fallait substituer à la guerre du roi la guerre du peuple, il disait un de ces mots emphatiques sous lesquels se cache le fanatisme du sophiste. Les passions du temps, les agitations populaires, furent la faiblesse de cette tentative d’affranchissement ; l’unique force qui put un moment balancer la fortune en faveur de l’indépendance était dans le camp piémontais, là où était une armée régulière, et cette force eût été plus efficace s’il y avait eu pour s’en servir un gouvernement moins incertain. Qu’on suppose un instant le roi Charles-Félix régnant aujourd’hui à Turin, le sentiment de la nationalité italienne sera une opinion qui aura sans doute la puissance morale que communique un instinct généreux, et qui, en s’alliant avec des opinions semblables dans d’autres pays, formera un certain faisceau ; mais ce ne sera qu’une opinion. Ce qu’il y a de nouveau aujourd’hui, c’est que cette opinion est un gouvernement, a son souverain, ses ministres, une représentation extérieure et accréditée, et par une circonstance favorable de plus, pour se faire le porte-drapeau de l’idée de nationalité italienne, le Piémont n’a eu qu’à s’inspirer de ses traditions et de son histoire.

Pour bien des esprits, la politique italienne du Piémont est une nouveauté, une témérité d’ambition du roi Charles-Albert et du roi Victor-Emmanuel, le fruit de l’alliance hasardeuse de M. de Cavour et des partis démocratiques de la péninsule. Elle n’est nouvelle que par la forme, par le secours qu’elle a reçu d’une idée rajeunie au contact des institutions libres. Dans son essence, elle est l’expression des tendances permanentes de la maison de Savoie et du peuple piémontais. Elle a ses traditions, elle plonge dans l’histoire, et à vrai dire c’est une de ses forces. J’oserai ajouter que rien n’est nouveau, ni dans le but, ni quelquefois dans les moyens, ni même peut-être dans le caractère des hommes. Chose singulière que cette histoire de l’Italie et cette histoire du Piémont ! Du sein des rivalités internationales qui vont toujours chercher un champ de bataille au-delà des Alpes, et de toutes ces dissensions municipales qui préparent l’inévitable avènement d’une domination étrangère, surgit un petit pays solide et résolu qui commence sa carrière sous la conduite de ses princes comme un vigoureux cadet de famille qui a sa fortune à faire dans le monde, et qui la fera, car il est patient, actif et difficile à décourager. Ils ont songé de bonne heure à s’arrondir, ces petits princes de Savoie héritiers de Humbert aux Blanches Mains et du Comte-Vert. Donations, annexions volontaires, con-