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LE
TESTAMENT D’UN PROPHÈTE

P. Enfantin, 1858. — II. Saint-Simon, 1813. — Science de l’Homme : Physiologie religieuse, 1 volume à peu près in-quarto ; Paris, Victor Masson, 1858.

Les déceptions ne sort pas toujours amères. Il est doux par exemple d’arriver à reconnaître que notre ennemi n’avait pas la valeur morale que lui attribuait notre imagination ; il est doux de pouvoir remplacer par l’indifférence railleuse la terreur ou l’admiration qu’il nous inspirait. Sa personne nous oppressait tout à l’heure comme un cauchemar, et voilà maintenant que nous nous éveillons avec un sourire, heureux d’être délivrés d’un mauvais songe. Ce phénomène se passe dans la vie intellectuelle comme dans la vie réelle. Tant que les adversaires des idées que nous aimons et que nous défendons se présentent à notre imagination imposans par leur intelligence et leur sagesse, dangereux par leur habileté et les ressources de leur esprit, nous sommes tourmentés par la crainte d’un triomphe qui serait pour nous une humiliation et une honte. Ces terreurs subsistent jusqu’au moment où nous avons aperçu enfin la faiblesse morale de notre adversaire ; mais alors elles s’évanouissent sans retour, car le prestige est à jamais détruit. Il importe peu maintenant que notre adversaire soit puissant, riche, influent, qu’il ait par derrière lui une armée nombreuse et bien disciplinée, commandée par d’habiles officiers. Sa puissance, sa richesse, son influence, son armée, ne sont plus rien dès que nous avons découvert le secret de sa faiblesse, dès que nous savons qu’il n’est ni aussi sage, ni aussi prudent, ni aussi habile que nous l’a-