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de ce nom, mais séparé par un intervalle raisonnable, apparaît en majuscules imposantes le nom de la vérité révélée : Science de l’homme. Touchons donc religieusement ce précieux bouquin, tournons-en les feuillets d’une main lente, et si nous voulons aller jusqu’au bout, récitons un acte de ferme propos et souhaitons-nous un bon courage.

Le livre s’ouvre par une lettre adressée à l’empereur Napoléon III, lettre dans laquelle il est question des droits sacrés de l’autorité, du mythe de la liberté (sic), de la paix universelle, de Paris et de Londres, cerveau et cervelet du monde, et de quelques autres belles choses. Cette lettre est remarquable à plus d’un titre; elle ne manque ni d’aplomb, ni d’habileté, ni de souplesse. Il est aisé de voir que la perfectible humanité a fait du chemin depuis l’époque où les prophètes d’Israël adressaient, eux aussi, leurs dédicaces aux rois de Judée. M. Enfantin est un prophète aimable; il sait saluer avec aisance et avec grâce; cette politesse, il est vrai, ne lui fait rien perdre de la fierté qui convient à un révélateur, et il n’y a pas dans son éloquence moins d’autorité que de respect. Si vous ou moi avions besoin d’écrire à sa majesté Napoléon III, eussions-nous fait l’Iliade ou découvert le système du monde, nous parlerions sur le ton d’un sujet qui s’adresse à son souverain; plus heureux que nous, M. Enfantin peut parler au chef de l’état au nom du pouvoir spirituel dont il est le représentant. M. Enfantin est donc pape, comme Napoléon III est empereur!... Dans sa pensée, M. Enfantin porte en lui Saint-Simon, le messie spirituel des temps nouveaux. Nous n’exagérons rien. « De même que vous sentez vivre Napoléon en vous, je sens l’homme dont je porte l’héritage, et qui vit en moi, se réjouir de ce que j’adresse à l’héritier de Napoléon la même requête qu’il remettait en 1813 à l’empereur, à l’effet de terminer la crise de dissolution et d’enfantement dont l’humanité est agitée depuis trois siècles par la création de l’organisme social nouveau qui doit succéder à l’organisme mourant du passé. » Oui, M. Enfantin est pape, pape in partibus, il est vrai, ignoré de la chrétienté entière, quoiqu’il puisse disposer en faveur de ses fidèles de certains diocèses et bénéfices industriels, et leur distribuer, en place d’hypothétiques indulgences qui n’auront tout leur prix que dans un monde futur, de belles et bonnes actions cotées sur notre planète. Qu’on reconnaisse ou non sa papauté, il sait qu’il est inspiré-directement de Dieu, et comme il est modeste, il ne laissera jamais passer une occasion de vous en informer. N’essayez pas de discuter avec lui, il vous arrêtera tout net au nom de l’autorité qu’il tient du Tout-Puissant. « J’ai foi que Dieu m’éclaire particulièrement, et avant tous moi-même, lorsque j’ose vous dire : « La physiologie ne sera une