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combattant alternativement les Arabes et la fièvre, a su affronter avec une résignation stoïque la mort sans gloire de l’hôpital, et dont la brillante valeur conserve dans notre jeune armée les traditions de nos légions les plus célèbres !

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« À cette armée qui, loin de la patrie, a le bonheur de ne connaître les discordes intestines de la France que pour les maudire, et qui, servant d’asile à ceux qui les fuient, ne leur donne à combattre, pour les intérêts généraux de la France, que contre la nature, les Arabes et le climat! »………………….

Ce n’est pas nous assurément qui contesterons à notre armée de Crimée le titre de glorieuse héritière de nos armées d’Afrique; mais avec tout leur héroïsme, avec tous les prodiges de leur énergie morale, les soldats français, non plus que leurs vaillans alliés, ne pouvaient suffire à tout ce que réclamait une lutte aussi prolongée et aussi étendue. La grande affaire était de savoir qui, des assiégeans ou des assiégés, pourrait amener le plus vite et le plus longtemps des hommes et des munitions sur le vaste champ clos où il s’en faisait une si effrayante consommation. La position des belligérans n’était pas sans quelque analogie avec celle où se trouvaient en Portugal, pendant l’hiver de 1811, les armées de Masséna et de Wellington. Seulement les rôles étaient renversés; les Anglais, retranchés dans leurs lignes de Torres-Vedras, avaient la mer derrière eux, et les ressources que cette route, dont ils étaient maîtres, ne cessa de leur amener finirent par leur donner la victoire sur la meilleure de nos armées. Ici, au contraire, c’étaient les assaillans qui disposaient de la voie maritime, et cette voie, surtout depuis l’emploi de la vapeur, est si rapide, si large, si sûre, si indépendante de mille accidens auxquels les communications d’une armée sont exposées sur terre, qu’aujourd’hui comme en 1811 elle allait assurer le succès de ceux à qui elle était ouverte. En Crimée même, sur le théâtre où la guerre était circonscrite, on eut une démonstration évidente de la supériorité des communications par eau, comparées aux transports par terre. Si l’armée anglaise, pendant le rude hiver de 1855, passa par des souffrances inouïes, si elle eut à endurer des misères bien plus cruelles que celles auxquelles fut exposée l’armée française, la cause en doit être attribuée en grande partie à ce que la distance du dépôt de Balaclava au camp anglais était plus considérable que celle de Kamiesh au camp français. Les Russes ont mille fois exprimé le regret de n’avoir pas eu un chemin de fer pour alimenter leur vaste camp retranché de Sébastopol. Eh bien! nous croyons pouvoir affirmer que cette voie, si rapide pourtant, n’aurait pu sou-