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particulière. Un quatrième soulèvement se manifesta : plus terrible que les précédens, il porta les terrains à des hauteurs immenses. Du sein de la terre sortirent des masses de granités ; l’Ilimani et le Sorata, les deux géans de l’Amérique du Sud, et les massifs des Andes[1] furent constitués. Ces vastes montagnes formèrent une seconde île peu éloignée de la première. Ainsi l’Amérique se trouva composée de deux îles, dont l’une occupait l’emplacement actuel du Brésil, l’autre l’emplacement actuel du Haut-Pérou. À ces bouleversemens succéda une longue période de tranquillité. On a trouvé en Colombie et au Chili des fossiles qui ont appartenu à cette période. On sait que les coquilles vivant dans les mers du nord de l’Europe sont généralement différentes de celles de la Méditerranée; or plusieurs des coquilles fossiles de la Colombie sont semblables à celles du nord de la France, plusieurs de celles du Chili rappellent celles des contrées voisines de la Méditerranée. D’Orbigny a fait à ce sujet une supposition assez curieuse : les montagnes de l’Auvergne, qui ont séparé dans les temps géologiques les mers du nord de l’Europe et celles du sud, auraient pu, dès ces époques si anciennes, avoir été reliées à d’immenses continens prolongés en Amérique : ainsi la Manche se serait étendue jusque dans la Colombie et la Méditerranée jusqu’au Chili.

Quatre grands soulèvemens ont encore eu lieu en Amérique : l’un s’est manifesté en Colombie, un autre dans la Terre-de-Feu ; les deux derniers ont formé la Cordillère. L’apparition des volcans des Andes fut un phénomène distinct du soulèvement de ces montagnes; elle date peut-être des temps historiques. « Ce fut sans doute, dit M. de Beaumont, un jour redoutable dans l’histoire des habitans du globe que celui où cette immense batterie volcanique, qui ne compte pas moins de deux cent soixante-dix bouches principales, vint à gronder pour la première fois. Peut-être les traditions du déluge universel se rapportent-elles à ce grand événement. »

Avant le voyage de d’Orbigny, on possédait si peu de renseignemens sur les habitans du Nouveau-Monde, que George Cuvier les regarda comme trop peu connus pour les faire entrer dans sa classification des races humaines. M. de Humboldt avait vu seulement les peuples qui habitent le nord de l’Amérique méridionale; Azara avait observé plusieurs peuples du sud, mais il n’avait pas approfondi leurs langages et leurs traits physiologiques. Dans son ouvrage intitulé l’Homme américain, d’Orbigny a embrassé l’étude d’une grande partie des habitans du Nouveau-Monde, discuté tous les caractères des diverses nations, soit au point de vue physique, soit au point de vue moral, étudié leurs langages, suivi leurs changemens,

  1. Les Andes proprement dites sont vulgairement nommées Cordillères orientales.