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leurs migrations. Il a réparti entre trois races les peuplades qu’il a rencontrées dans ses voyages : la race ando-péruvienne, qui habite principalement l’ouest de l’Amérique; la race pampéenne, fixée dans les plaines du centre, et particulièrement dans celles que l’on nomme pampas ; la race brasilio-guaranienne, composée surtout des Brésiliens et des Guaranis, peuple originaire des rives du Parana. Il est un point qu’il faut louer particulièrement dans l’Homme américain, c’est le soin que l’auteur a pris de diminuer les noms de peuples dont sont surchargées les nomenclatures géographiques : simplifier, c’est rendre aux sciences le plus grand des services.

Après avoir pendant quatorze mois visité les rives du Parana et de ses affluens, d’Orbigny rentra à Buenos-Ayres. Chargé par le gouvernement argentin d’étudier dans quels lieux on pourrait établir des centres de population, il explora longtemps les pampas qui entourent la capitale de la république. Ces plaines, stériles pour les agriculteurs, sont curieuses pour les géologues. Sur une étendue égale à celle de la France, elles sont couvertes d’un limon fin qui ne renferme aucun caillou, mais contient en abondance des débris de quadrupèdes fossiles. Longtemps les os de ces quadrupèdes furent pris pour des os de géans : ils sont aujourd’hui connus en Europe; dernièrement un Français, M. Seguin, en a recueilli une admirable collection pour le musée de Paris. Comment un si grand nombre d’animaux fossiles se trouve-t-il disséminé dans le limon des pampas, et ce limon lui-même, d’où provient-il? Suivant d’Orbigny, lors du principal soulèvement de la Cordillère, un immense mouvement a dû se produire dans les mers; les flots ont sans doute couvert le continent américain ; c’est à cette inondation qu’il faut attribuer la formation du limon dans les pampas. Les eaux ont fait périr les animaux qui peuplaient les diverses parties de l’Amérique, et elles ont transporté leurs cadavres en même temps que le limon. Un géologue anglais, M. Darwin, qui a visité après d’Orbigny le sud de l’Amérique, n’admet pas cette explication. Il suppose que le limon des pampas a été formé par les eaux de la Plata, élargie extraordinairement; les animaux auraient été simplement entraînés par le courant du fleuve. Comme M. Darwin, j’ai peine à accepter la théorie de d’Orbigny, car je comprends difficilement que des masses d’eau agitées par de violentes commotions aient déposé un limon exempt de cailloux, mais j’hésite également à accepter la théorie de M. Darwin, lorsque je lis dans l’ouvrage de d’Orbigny les lignes suivantes : «J’ai vu d’immenses cours d’eau, tels que le Parana, le Paraguay, l’Uruguay, la Plata, et tous les affluens boliviens de l’Amazone, et je puis assurer que pendant huit années je n’ai jamais rencontré un seul animal flottant au sein des vastes solitudes du Nouveau-Monde. » D’Orbigny a expliqué en détail pourquoi les rivières des pays civilisés