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cinq pieds onze pouces métriques français ; la taille moyenne n’était pas au-dessus de cinq pieds quatre pouces.

Auprès des Patagons vit une peuplade qui porte le nom d’Aucas. Bien différens des Patagons proprement dits, les Aucas sont de petite stature. Comme les héros de l’antique Grèce, non-seulement ils sont intrépides à la guerre, mais encore ils sont orateurs. Chez eux, l’éloquence suffit pour faire parvenir aux premières dignités. Lorsqu’ils célèbrent la naissance d’un de leurs fils, ils lui souhaitent la bravoure, et avant la bravoure l’éloquence. Leur langue est harmonieuse; ils ont des bardes qui chantent les amours, les exploits des héros. Un peuple dont les hommes savent combattre et bien parler n’a-t-il pas en lui les germes qui font les grandes nations? Comment les Aucas sont-ils encore sauvages? Pour nous expliquer ce mystère, songeons qu’ils sont entourés d’Indiens aux mœurs guerrières, habiles à détruire, jamais à fonder; une partie de l’existence des Aucas se consume dans les guerres. En second lieu, jetons les regards sur le sol; il est dénudé; de savans agronomes auraient peine à en tirer quelque produit. Les habitans doivent donc demander à la chasse des moyens de subsistance ; mais le gibier émigré après de trop longues poursuites; il faut le suivre : tout peuple exclusivement chasseur est nécessairement nomade, et tout peuple nomade est nécessairement barbare.

Après son séjour en Patagonie, d’Orbigny passa à Montevideo; il s’y embarqua pour le Chili, et après quelques excursions dans cette contrée il se rendit en Bolivie. En 1825, le Haut-Pérou se détacha du gouvernement de Buenos-Ayres et forma un état indépendant sous le nom de république de Bolivie. Pourvu d’or, d’argent et d’autres métaux précieux, fertilisé par de nombreuses rivières, habité par des peuples dont l’intelligence et la bonté sont connues de temps immémorial, il est appelé sans doute à une grande prospérité. Sous le règne des Incas, les Péruviens étaient le peuple le plus civilisé du Nouveau-Monde. On sait combien de crimes ont accompagné la destruction de leur empire. Il était digne de la France, toujours si généreuse envers les peuples étrangers, il était glorieux pour d’Orbigny d’aller répandre les lumières de la science sur la Bolivie. De son côté, cet état a soutenu de tout son pouvoir les recherches de notre compatriote ; il faut même le dire, sans les secours du président Santa-Cruz, d’Orbigny n’aurait pu exécuter ses grands travaux.

Les montagnes de la Bolivie renferment les plus hauts sommets du Nouveau-Monde : l’Ilimani, élevé de 7,315 mètres, et le Sorata, élevé de 7,696 mètres. Ces pics couverts de neiges perpétuelles sous le ciel brûlant des tropiques, — un plateau d’une longueur immense, qui surpasse en hauteur presque toutes les cimes des montagnes de l’Europe, et où cependant se voient de grandes villes