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et un lac de soixante-quinze lieues de longueur, le lac de Titicaca, — une chaîne dont un versant est continuellement arrosé, dont l’autre au contraire est presque toujours sec, — voilà des traits dignes de toute l’attention des météorologistes. En 1826 et 1827, un savant anglais, M. Pentland, séjourna dans le Haut-Pérou, et, à l’aide d’un grand nombre de hauteurs d’étoiles et de distances lunaires, il établit près de cent positions géographiques. Les déterminations de points isolés sont les préliminaires indispensables de toute topographie; mais elles ne peuvent suffire, car elles ne font point connaître les détails de la configuration du sol. D’Orbigny compléta le travail de M. Pentland par de nombreuses reconnaissances faites avec la montre et la boussole. Dans un rapport adressé à l’Académie des sciences, Savary assure que ces reconnaissances sont comparables à ce que le dépôt de la guerre possède de mieux en ce genre sur plusieurs parties de l’Espagne. Plus loin il ajoute : « Pour donner une idée des rectifications que nécessitent, d’après M. d’Orbigny, les cartes actuelles les plus répandues, il suffira de citer la position d’une grande ville (La Paz) transportée d’un côté de la Cordillère principale sur le côté opposé. C’est à peu près comme si une carte d’Europe présentait Turin sur le versant des Alpes qui regarde la France. »

L’exploration du plateau bolivien impose à qui l’entreprend de vives souffrances. Dans ces régions élevées, exposées pendant le jour au soleil le plus ardent, le passage brusque du chaud au froid produit une douloureuse sensation. Un vent continu et violent détermine dans l’atmosphère une telle sécheresse, que la peau du corps perd toute sa souplesse : elle se crevasse, la figure et les lèvres surtout laissent échapper du sang. Enfin la raréfaction de l’air cause des douleurs cruelles aux tempes et des nausées semblables à celles produites par le mal de mer; la respiration est gênée, le moindre mouvement détermine des palpitations de cœur. Il paraît que chez les habitans du plateau bolivien la poitrine est très grande, comparée au reste du corps; le poumons sont plus vastes que chez les hommes des plaines, et ainsi la raréfaction de l’air est compensée par l’ampleur des organes respiratoires. Aussi les Indiens vivent sur les plateaux des Andes sans souffrir. Tandis que les plantes et les animaux sauvages sont renfermés dans des limites qu’ils ne peuvent franchir, l’homme a planté sa tente dans toutes les parties du globe où se trouve un peu de terre.

D’Orbigny dressa non-seulement la carte géographique, mais aussi la carte géologique de la Bolivie. Lambeau immense des entrailles de la terre, les Andes nous montrent à découvert la structure intime du sol. On y trouve des fossiles à près de 5,000 mètres de hauteur, dans des terrains qui appartiennent aux premières