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gistes une extrême sagacité pour découvrir à quelles classes ils se rapportent. Peu de fossiles ont donné lieu à plus de conjectures bizarres que la bélemnite. On sait aujourd’hui que c’était un mollusque céphalopode voisin des sèches. Les analogies ont permis à d’Orbigny de supposer que la bélemnite habitait dans le voisinage des côtes, et qu’elle était une grande nageuse. Suivant ce naturaliste, l’os très dur, nommé rostre, qui s’est plus spécialement conservé fossile à cause de sa nature pierreuse, et qui était placé à la partie postérieure du corps de la bélemnite, servait surtout à amortir les chocs très fréquens dans la nage à reculons propre à cet animal. Comme les bélemnites, les aptychus ont servi de base aux suppositions les plus étranges : d’Orbigny semble avoir prouvé que ces coquilles sont les débris d’un animal voisin des anatifes. Grâce à leur beauté, à leur abondance, les ammonites, ou cornes d’Ammon, sont peut-être les fossiles les plus connus. On n’a jamais trouvé aucune ammonite vivante; on peut être certain que cet animal n’existe plus de nos jours, car s’il vivait, sa coquille, naturellement flottante, n’aurait pas manqué d’être jetée contre un rivage et d’être aperçue. Ce genre présente une diversité bien merveilleuse; la Paléontologie française renferme la description de trois cent soixante-six espèces, sur lesquelles deux cent trente-cinq étaient inconnues avant les travaux de d’Orbigny. Ce naturaliste a constaté que des ammonites parfaitement semblables pour tous les caractères importans sont les unes larges, les autres plates. Selon lui, ces différences dépendent du sexe : les femelles, qui avaient à porter des œufs, étaient plus larges que les mâles. Il paraît aussi que la coquille de l’ammonite très jeune est d’une grande simplicité; à mesure qu’elle se rapproche de l’âge adulte, elle se couvre d’ornemens d’une extrême richesse; dans la vieillesse, elle perd peu à peu ses parures, et revient à la simplicité de son premier âge.

Les bryozoaires sont de très petits êtres, encore bien peu connus en dehors du monde des naturalistes. Le mot bryozoaire signifie animaux-mousses; plusieurs des animaux qui portent ce nom ont en effet une grossière ressemblance avec ces plantes. D’Orbigny a décrit et fait dessiner avec les détails les plus minutieux près de neuf cents espèces de bryozoaires : telle simule de petites colonnes torses, une autre se bifurque comme des branches d’arbre, une autre imite les mailles d’une dentelle. Ce qui augmente ici la diversité des aspects, c’est l’association de deux formes généralement séparées dans la nature : la forme courbe, caractéristique des substances vivantes; la forme anguleuse, propre aux substances minérales. J’ose conseiller l’étude des bryozoaires non-seulement aux amis des sciences, mais encore aux artistes. Les arts devront sans doute emprunter de nouveaux modèles de dessins aux objets microscopiques que décou-