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marché. L’agitation des mers s’étendit jusqu’à la Martinique, à la Laponie, au Groënland. Lors du tremblement de Calabre en 1783, les eaux s’avancèrent sur les côtes de Sicile et détruisirent la moitié de la ville de Messine.

De tels bouleversemens ont été causés par de petits changemens dans le niveau des couches du sol; les élévations qui se produisirent alors sont insignifiantes, si on les compare aux accidens des grandes montagnes du globe. Quelles révolutions durent donc occasionner les soulèvemens des Alpes, de l’Himalaya ou de la Cordillère? Les eaux de tous les océans bondirent; elles couvrirent les continens, ici les ravinèrent, là y déposèrent des blocs de rochers, des cailloux, des sables. La surface de la terre présente des traces irrécusables de ces bouleversemens. Autrefois, sur l’emplacement actuel de la ville de Paris, le sol s’élevait à la hauteur de Montmartre, du Mont-Valérien, de Bellevue; l’espace compris entre ces monticules a été creusé par de violens courans d’eau. Certainement, lors de tels déluges, les animaux terrestres furent noyés; ceux qui vivaient dans les lacs et les rivières furent asphyxiés, car l’eau salée, en pénétrant dans l’eau douce, en fait rapidement périr les habitans. Quant aux animaux marins, leur destruction par les grandes révolutions du globe s’explique presque aussi facilement. Ici les flots perdirent de vastes parties de leur domaine, là ils engloutirent des continens. Dans cette lutte de la terre et des eaux, combien d’êtres marins furent mis à sec! combien virent changer le niveau de la zone où ils habitaient! Tels animaux ne peuvent exister que dans les mers profondes; tels ne vivent que sur les rivages, et périssent lorsque leur milieu est modifié. Ces cataclysmes durent entraîner dans la mer des cailloux, des sables qui recouvrirent et écrasèrent les animaux, ou de la vase qui les asphyxia. D’Orbigny, pour vérifier quelle est l’influence de la boue mêlée à l’eau des océans, a fait l’expérience suivante : il a placé dans un bassin d’eau de mer des sèches, des calmars et des poissons; pour peu qu’.il jetât de la terre glaise ou de la terre ferrugineuse dans ce bassin, il voyait les animaux périr asphyxiés. Si de la boue mélangée à l’eau de mer suffit pour déterminer la mort des poissons et des mollusques, combien sera plus délétère une eau chargée non-seulement de vase et d’hydrate de fer, mais encore des gaz acides qui se sont dégagés sans doute lors des bouleversemens du globe !

Il est vrai que d’Orbigny admet des changemens de générations à des époques où l’on n’a pas encore indiqué des soulèvemens de montagnes; mais il pense que les océans cachent sans doute la trace de plusieurs dislocations anciennes. A défaut de soulèvemens