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roches avec des couches fossilifères. Je ne crois pas nécessaire de rappeler combien il importe de connaître les terrains dont la surface du globe est formée; les travaux des puits artésiens, l’exploitation des métaux, les recherches de la houille, les essais de marnages et d’amendemens, le percement des couches pour les voies ferrées et les canaux, etc., ne peuvent s’exécuter sans une parfaite connaissance de la nature du sol. Une science qui est la compagne indispensable de la géologie stratigraphique est donc d’une immense utilité pratique. Plus les idées de d’Orbigny viendront à prévaloir, plus on croira que les fossiles, limités exactement dans certaines couches, servent à faire reconnaître non-seulement les principaux groupes des terrains, mais encore les subdivisions, — plus aussi s’accroîtra l’importance de la paléontologie.

Les collections de d’Orbigny, que l’état vient d’acquérir, et les collections que le Muséum possédait déjà, composent aujourd’hui un assemblage de précieux matériaux. Cependant elles ne sembleront qu’un noyau, si nous pensons aux milliers d’êtres encore ignorés qui gisent dans les entrailles de la terre. La paléontologie ne date que de cinquante ans, et nous connaissons déjà plus de vingt-cinq mille animaux et une multitude de plantes fossiles. Un jour (et nous devons l’espérer, ce jour n’est pas loin), le Muséum d’histoire naturelle verra s’adjoindre à ses riches galeries une galerie de paléontologie. Sans doute on construira autant de salles qu’il y a eu de grandes époques dans les âges passés : les animaux et les plantes fossiles se retrouveront rassemblés comme ils le furent dans les temps géologiques. En passant successivement dans les diverses salles, on croira voir se dérouler tous les tableaux de l’histoire du vieux monde. Dans l’une, on trouvera les trilobites et les autres êtres qui ont été les premiers habitans du globe; dans une autre s’élèveront les plantes de cette période houillère où la végétation a été plus luxuriante que dans les pays les plus favorisés de nos jours; dans une autre, on admirera la prodigieuse variété des fossiles de l’époque secondaire, ammonites, bélemnites, mégalosaures, reptiles volans ; dans les salles de la période tertiaire, autour de tables chargées de mille espèces de coquillages, se dresseront les squelettes des mastodontes, des dinotherium, des megatherium et des autres animaux gigantesques, qui semblent le dernier effort du monde matériel au moment où va apparaître une nouvelle puissance destinée à le dominer : l’intelligence. Enfin, à l’extrémité des galeries, on apercevra l’homme, chef-d’œuvre de la création, dernier terme de tant de merveilles qui se sont succédé depuis le jour où la vie a paru sur le globe.


ALBERT GAUDRY.