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bles de coton; mais ce sont les clippers américains qui les apportent. Il nous arrive de la laine et de la houille en énorme quantité, mais presque exclusivement sous le pavillon anglais. Nous consommons des bois du Nord, mais ils descendent constamment vers nos ports dans les navires de la Norvège. D’autre part, nous expédions des tissus, du linge, des soieries, pour des sommes considérables; ce fret, peu volumineux, est richement payé aux paquebots anglais ou américains qui enlèvent à nos navires ce lucratif transport. Chaque année, il part du port du Havre une bande de vingt mille émigrans allemands; c’est dans les entre-ponts et les cales des trois-mâts américains qu’ils s’entassent. Les passagers plus aisés ne prennent même pas les cabines de nos bâtimens, ils s’embarquent à grands frais sur les paquebots Cunard ou Livingston. Il n’est pas jusqu’aux malles des correspondances qui n’aillent chercher de l’autre côté du détroit des services plus réguliers, plus rapides, mais aussi plus coûteux, en attendant que nos trop tardifs paquebots s’organisent. Notre marine est déshéritée du fret le plus lucratif, qui passe à d’autres plus habiles; elle est déshéritée de la plus grande partie du trafic industriel : jusqu’ici cependant elle a profité de la presque totalité des transports agricoles. S’agit-il d’aller faire des provisions à Odessa, plus maîtresse dans les eaux de la Méditerranée que dans celles de l’Océan : notre marine s’en acquitte à elle seule. Faut-il du blé en Italie, en Espagne : il part de Marseille sous notre pavillon. Et même sur l’Océan, profitant, dans ces dernières années, de ce que les grands navires américains étaient occupés pour nos transports militaires, la marine française a su mener fort activement les convois de grains entre New-York et le Havre. En ce moment encore, nos caboteurs sont activement occupés par l’exportation de blé qui se fait en Angleterre. Ainsi les grains et les produits agricoles peuvent bien ne tenir qu’un rang secondaire dans le total de nos transports par mer, mais ils forment incontestablement le fret le plus important pour notre marine nationale. Nos navires sont en général d’un trop faible tonnage pour pouvoir transporter les matières encombrantes, le coton, la laine, aussi économiquement que les colossales constructions américaines; l’emploi que fait notre marine de la vapeur est trop restreint pour qu’elle prétende disputer les passagers ou les marchandises précieuses aux paquebots de New-York ou de Liverpool; mais elle fait son profit ou de la disette ou de la grande abondance de récoltes. Si les liens qui l’attachent au commerce agricole, par suite à la production, n’apparaissent pas tout d’abord, ils n’en sont pas moins étroits pour cela; notre marine vit en réalité du blé et du vin.

On ne saurait trop appeler l’attention sur le mouvement extérieur des céréales, dont la presque totalité s’effectue par la voie de mer.