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louable désir que d’aspirer à la possession d’une parcelle de cette terre qui nous porte, à la propriété d’une place à ce soleil qui nous réchauffe, à la jouissance des récoltes de l’été, des fruits de l’automne, des espérances du printemps. Ce penchant est un des meilleurs de l’homme; il le porte au travail, à l’épargne, à l’ordre privé et public, il l’excite à tout ce qui est bien. Ce seul désir d’accroître l’héritage de la famille tempérera même dans une juste limite l’accélération trop rapide que pourrait prendre le morcellement du sol; mais il doit être contenu dans les bornes du possible, sans dégénérer en une passion aveugle qui porte le cultivateur à emprunter pour acheter : c’est le conduire à la ruine par la voie de l’expropriation.

Après les effets de la cherté excessive, voyons ceux de la baisse exagérée. Les consommateurs, surtout ceux de la classe laborieuse, n’y trouvent qu’un illusoire avantage : c’est que les produits de la ville sont consommés en grande partie par ceux qui, soit fermiers, soit propriétaires, soit rentiers, ne tirent leurs revenus que de la terre. Ces revenus tarissant, les dépenses se restreignent. Les ouvriers paient le pain bon marché, mais le travail leur manque. Il faut ajouter que le malaise qui règne alors dans les campagnes, où les propriétaires, faute d’argent, ne peuvent plus occuper leurs journaliers, jette dans les villes des émigrans en abondance; ces bras nouveaux viennent faire une concurrence redoutable aux ouvriers industriels, concurrence qui devient désastreuse pour eux dès que, par une cause quelconque, le travail se ralentit.

Les consommateurs doivent donc désirer avant tout que les denrées alimentaires prennent un cours régulier, qui servira de base à la rétribution du travail; les cultivateurs de leur côté ont besoin d’une assiette un peu plus fixe afin d’asseoir les baux de ferme, de stipuler les salaires des manœuvres, d’arrêter cet abandon déplorable du travail des champs pour celui des ateliers. Par quels moyens arriverons-nous à cette régularité dans les prix désirable pour tous? Les progrès agricoles nous y conduisent. Mieux la terre est cultivée, et moins elle est sensible aux intempéries, qui font les mauvaises récoltes. Un sol bien ameubli, profondément labouré, se ressent moins de l’excès d’humidité ou de sécheresse. Lorsqu’une plante croît dans une terre végétale convenablement fertilisée, elle résiste mieux aux atteintes du froid, aux ravages des insectes, aux contrariétés des pluies, qui peuvent lui être si funestes au moment de la floraison. Les progrès de la culture n’accroîtront pas seulement les récoltes, ils les rendront encore moins variables, en dépit des élémens; mais ils n’auront point une action aussi décisive sur le cours des prix. C’est que les variations des mercuriales ont trop souvent des causes imaginaires, inexplicables. Que de fois le blé est à vil prix sans que ce bon marché ait pour cause l’abondance relative de la récolte! que de