Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/903

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

belle saison chargés de bois de sapin, pour repartir à vide, comme ces voitures que l’habitant des campagnes amène à la ville remplies de provisions, et qui le soir reprennent le chemin du village sans la moindre emplette.

Le vin joue un plus grand rôle comme fret dans la navigation de l’Océan et de la Manche que dans celle de la Méditerranée, qui aboutit à des pays tous plus ou moins producteurs. Le bassin russe de la Mer-Noire pourrait cependant devenir un débouché important, bien qu’il y ait quelques vignobles en Crimée; mais cette culture y est fort hasardeuse, et surtout fort coûteuse. La nécessité d’enfouir les ceps de vigne sous une couche profonde de terre, pour les préserver des froids intenses de l’hiver, occasionne des frais de main-d’œuvre considérables. Les tarifs russes sont trop élevés : 50 francs environ pour le vin, et 195 francs pour l’eau-de-vie par hectolitre. Si une taxe modérée pour l’entrée des grains venait à être décrétée en France, la Russie nous devrait certainement un échange de bons procédés, car ce pays serait celui qui tirerait le plus de profit de l’importation du blé. Quant à notre marine, elle bénéficierait sans concurrens sérieux du développement de notre commerce avec le sud de la Russie.

Le vin n’intervient pas seulement comme fret dans la navigation de la Méditerranée ou de l’Atlantique. Les navires qui doublent l’un ou l’autre cap pour aller trafiquer dans l’Océan-Pacifique ou dans les mers de la Chine se chargent toujours d’un certain nombre de futailles ou de paniers de vins fins dont ils trouvent un débit avantageux au Pérou, en Californie, dans les factoreries des Indes ou dans les comptoirs de la Chine et même du Japon. Nos exportations de vins et d’eau-de-vie dans l’Océan-Pacifique composent à elles seules le tiers de l’exportation totale, et la moitié si l’on y joint les autres produits agricoles, tels que le beurre salé, l’huile d’olive, les préparations de charcuterie recherchées par les nababs avec une friandise qui n’est égalée que par celle des mandarins. Ces exportations seraient certainement plus développées dans ces lointains pays, si nos relations commerciales elles-mêmes y étaient plus actives; malheureusement ces relations diminuent d’importance avec la distance des lieux de trafic, suivant une proportion qui est sans exemple en Angleterre, aux États-Unis, en Hollande et même en Allemagne. La France n’est pas représentée à Bombay, Madras, Calcutta, à Singapour, à Hong-kong, à Shang-haï, en raison de sa puissance de production et de consommation, en raison de sa richesse et de sa population. Il n’est pas rare de voir dans beaucoup de ces villes le personnel de nos chancelleries plus nombreux que nos nationaux, qui vont y faire le commerce, de même que sur les rades on voit au