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tretenir avec l’Angleterre une navigation assez active, qui s’accroît à mesure que nos moyens de communication intérieurs s’améliorent et que notre culture se développe. Grâce à ce double progrès, le centre de la France pourra subvenir seul à l’approvisionnement de Paris et des autres grandes villes du nord-ouest; alors la Bretagne, la Normandie, la Picardie, employées actuellement à cet approvisionnement, pourront diriger tout leur excédant de production vers les marchés anglais. Notre petite marine retrouvera ainsi dans la navigation à travers la Manche le trafic du cabotage, que les chemins de fer lui enlèvent à mesure que leur réseau enveloppe les côtes. Créer le long de chacune des rives de la Seine de nombreuses stations d’embarquement pour les produits agricoles, c’est le seul moyen d’assurer un fret suffisant à la navigation à vapeur, qui a essayé tant de fois, mais vainement, de s’organiser entre Paris et Londres. Jusqu’ici ces navires n’ont voulu relâcher qu’à Rouen et au Havre, et ils ont manqué de cargaison, tandis qu’ils pourraient recueillir le long de chaque rive un supplément de fret qui leur serait fort utile; mais ils doivent prendre l’initiative, proposer leurs moyens de transport aux fermiers de cette fertile vallée, et ne point attendre que la demande leur en soit faite : ce serait éternellement attendre.

Cette étude serait incomplète, si après la navigation extérieure nous n’entrions pas dans quelques détails sur la part des produits agricoles dans la navigation de notre littoral et de nos fleuves, le cabotage. Le nombre de nos petits navigateurs a bien diminué depuis que les chemins de fer ont commencé à relier les ports entre eux par des routes généralement plus directes que les routes de mer, plus sûres et plus rapides qu’elles, sinon plus économiques. Depuis 1853, époque à laquelle les trois lignes du Havre, de Bordeaux, de Marseille, ont été complètement livrées à la circulation, le cabotage a commencé à se ressentir de cette concurrence. Ses transports ont néanmoins encore peu faibli, tout en conservant une moyenne annuelle de deux millions et demi de tonnes[1]. L’activité du cabotage a surtout décliné sur les routes qu’il exploitait dans les conditions les plus désavantageuses de longueur et de lenteur : je veux parler de la navigation, jadis si importante, entre les ports de l’Océan ou de la Manche et ceux de la Méditerranée, et principalement entre Marseille et Rouen.

Il fallait que l’ancien roulage fût bien impuissant et bien coûteux, il fallait que notre navigation intérieure par le Rhône et le canal de Bourgogne fût dans des conditions bien médiocres d’ex-

  1. Ces transports ont atteint en 1847 un maximum de 2,627,405 tonnes; tombés à presque la moitié de cette valeur dans les années suivantes, ils se sont relevés en 1852 à 2,644,785 tonnes, et en 1856 le chiffre en a été de 2,432,815 tonnes, et de 2,573,265 en 1857.