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Beaucoup de mesures excellentes en elles-mêmes, telles que l’établissement de marchés à la criée dans les villes principales, qui avaient pour but la suppression d’intermédiaires trop nombreux entre le producteur et le consommateur, n’ont produit jusqu’ici que des avantages fort incomplets pour l’un et pour l’autre, par l’impuissance où s’est trouvée la production au détail de parvenir jusqu’à la consommation au détail. Les compagnies auraient certainement un avantage réel à développer l’activité de leurs transports par la modération de leurs tarifs : elles le reconnaissent elles-mêmes, les effets de notre réforme postale ont suffi pour les en convaincre; mais elles allèguent que leur personnel et leur matériel, encore insuffisans pour réaliser une spéculation aussi avantageuse, les obligent à la différer.

Le développement de la production agricole, qui est d’un intérêt capital pour notre marine, viendra surtout de l’augmentation des substances fertilisantes qui servent à régénérer le sol épuisé par une série de récoltes[1]. Tout ce que rejette la vie animale nourrit, on le sait, fort activement la vie végétale; mais il est encore des substances minérales, la chaux, les marnes, le plâtre, les phosphates, qu’il est utile de mélanger au sol, pour lui donner des élémens qui lui manquent, ou lui restituer ceux qu’il aurait perdus. L’extraction ou la fabrication de ces amendemens est en général peu coûteuse; le prix du transport seul règle les avantages qu’en peut offrir l’emploi dans la culture. Lorsqu’elle n’a pour tous moyens de transport que les charrois par les routes ou par les chemins, la distance limitée à laquelle ils cessent de pouvoir être avantageusement employés est fort restreinte : six kilomètres au plus, s’il s’agit de chemins vicinaux ordinaires, avec des pentes raides; dix kilomètres, s’il existe des routes bien entretenues, et en plaine. Les chemins de fer peuvent étendre cette limite. Quelques-uns transportent ces amendemens avec une importante réduction dans leurs tarifs. Ainsi la Sologne reçoit de la marne à toutes ses stations au prix avantageux de 2 fr. 50 cent, le mètre cube; mais l’usure du matériel

  1. Le triste état d’épuisement où se trouvent encore réduites certaines parties de l’Italie, de la Sicile, de l’Asie-Mineure, en un mot les provinces les plus peuplées dans l’antiquité, prouve combien il importe de réparer par des engrais les pertes de la terre, autant pour le rendement présent que pour la conservation de la richesse à venir. Les anciens faisaient cultiver principalement par les bras des esclaves ou des colons; ils consommaient en outre peu de viande, à raison surtout de la chaleur du climat, qui a maintenu cette abstinence dans ces pays jusqu’à nos jours. Pour ce double motif ils entretenaient peu d’animaux domestiques, par suite ils ne pouvaient recueillir dans leurs fermes qu’une très faible quantité de fumiers. La stérilité qui en est résultée a dû contribuer pour beaucoup à la démoralisation et au découragement du bas peuple, et intervenir de la sorte parmi les causes multiples qui ont amené la chute de l’empire romain.