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tenir son drapeau sur quelques points de la côte, et elle semble n’avoir d’autre but que de faire acte de présence sur le sol de Bornéo, en ajournant à une époque indéterminée l’œuvre de la colonisation. Les princes malais qui résident aux alentours de Pontianak reconnaissent volontiers la suzeraineté du gouverneur de Java moyennant une pension de quelques milliers de florins, qui leur est régulièrement payée avec le produit des impôts levés sur leurs tribus. Le séjour de Mme Pfeiffer dans l’établissement hollandais fut donc de courte durée, et il mériterait à peine d’être signalé, s’il n’avait fourni l’occasion d’une visite aux mines de diamans de Landak. Ce sont, d’après ce que l’on assure, les mines les plus riches de Bornéo. Mme Pfeiffer s’y rendit par la route de terre, et ne recula pas devant les nouveaux périls d’une excursion qui la replaçait pendant plusieurs jours au milieu des Dayaks indépendans, des Malais, et des campongs ou villages chinois. Elle savait que les indigènes, ne s’expliquant guère cette obstination d’une femme déjà vieille à battre le pays en tous sens, la prenaient pour une personne sacrée, peut-être bien pour une pauvre folle : on disait aussi qu’elle était à la recherche de l’esprit d’un de ses parens, recherche pieuse que la superstition des plus déterminés coupeurs de têtes devait nécessairement respecter. En définitive, Mme Pfeiffer arriva à Landak, et elle obtint du rajah la permission, rarement accordée, de visiter l’une des mines en exploitation. La cour de Landak lui parut un peu moins primitive que celle de Sintang. Il y avait à la réception un nombre suffisant de chaises; le repas fut complètement servi à l’européenne; les ministres portaient des vêtemens assez convenables. Les richesses du rajah et des principaux chefs consistent en diamans; on affirme même que le rajah possède le plus gros diamant que l’on ait trouvé jusqu’à ce jour, une pierre qui surpasserait de beaucoup en volume et en beauté le fameux kohinor; mais ces merveilles sont soigneusement cachées : aucun Européen ne les a vues, et les indigènes les plus opulens ne se parent presque jamais de leurs diamans. Quant aux mines, elles sont exploitées par des ouvriers chinois et à l’aide des procédés les plus simples. Elles donneront sans doute lieu à un trafic considérable, lorsque les ressources de Bornéo seront mieux connues.

Il n’est probablement pas réservé à notre siècle, si ardent et si prompt qu’il soit à de telles entreprises, de coloniser Bornéo ni de porter au fond de cette grande île les lumières de la civilisation. L’œuvre a été tentée, mais seulement par efforts isolés et impuissans. Si la Hollande occupe quelques points, il ne s’agit pour elle que d’empêcher la prescription des droits que les traités lui confèrent et l’établissement de rivaux qui prendraient sa place. Quant