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disposer, tout en un mot fait craindre que le progrès ne soit très lent, La colonisation chinoise n’est point là, comme à Bornéo, pour seconder ou plutôt pour devancer l’action européenne, en donnant l’exemple du travail, et en ouvrant les voies à l’industrie et au commerce : il n’y a d’immigrans du Céleste-Empire que dans les ports, et ils sont peu nombreux. Les touristes qui s’aventureront sur les traces de Mme Pfeiffer sont donc assurés de trouver longtemps encore à Sumatra la sauvagerie primitive, les mœurs de cannibales que la célèbre voyageuse nous a décrites.

Après s’être reposée quelque temps à parcourir, sous la protection des fonctionnaires hollandais, les régions les plus curieuses de Java, et notamment les principautés de Djokokarta et de Surakarta, voyage facile, par de bonnes routes, et dans un pays où l’Européen peut circuler sans danger, Mme Pfeiffer reprit ses pérégrinations à travers l’archipel malais. Elle visita successivement Banda, patrie du muscadier; Amboine, d’où nous vient le girofle; l’île Céram, Ternate, et enfin Célèbes. A Céram, elle vécut quelque temps au milieu des Alfores, qui présentent de grandes analogies avec les Dayaks. L’exploration de Célèbes fut plus complète. Dans cette grande île, dont la superficie est presque égale à celle de Java, et qui compte une population de deux millions d’âmes, Mme Pfeiffer put observer sous un aspect nouveau les races malaises. Il existe à Célèbes plusieurs empires indigènes, se partageant en principautés, avec une organisation à peu près régulière, une hiérarchie sociale, des rois, et surtout des reines. Il paraît même que les tribus préfèrent être gouvernées par des reines, « parce que celles-ci ont moins le goût de la guerre, et sont plus calmes et plus paisibles que les hommes. » Les femmes jouissent d’ailleurs à Célèbes de droits et de prérogatives qui leur sont généralement refusées chez la plupart des peuplades de l’archipel. Aussi Mme Pfeiffer trouva-t-elle dans les palais des souverains indigènes, pauvres palais, encombrés de princes et de princesses en guenilles, la plus honorable réception, et elle put même, avec le noble sentiment des égards dus à son sexe, remettre à sa place un certain roi de Paré-Paré, qui voulait lui faire raccommoder ses habits. Tous ces souverains vivent en bons termes avec les Hollandais, à l’exception de l’empereur de Bonny, qui prétend demeurer indépendant, et qui entretient une nombreuse armée. Ce sera sans doute vers ce point que la Hollande dirigera ses premières expéditions militaires.

Le système de colonisation appliqué par le gouvernement hollandais dans ses vastes possessions des îles de la Sonde a été fréquemment critiqué. Il n’est pas sans intérêt de voir comment il est apprécié, quant à ses effets pratiques, par une femme qui ne se