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tion de compagnies assez riches pour y faire face. L’industrie aurifère entra alors dans la phase brillante qui dure encore aujourd’hui, et dont l’avenir semble sans bornes, grâce aux améliorations de main-d’œuvre qui s’introduisent chaque année. Les procédés de 1849 étaient d’une simplicité primitive : la terre imprégnée d’or était recueillie au fond d’une cuvette; on l’y délayait dans une eau à laquelle on imprimait avec la main un mouvement de rotation, et le métal se déposait par sa densité. Une sorte de berceau oscillant, formé de cribles successifs, remplaça bientôt la cuvette, et fut remplacé à son tour par le long-tom, instrument plus perfectionné, mais où l’extraction reposait toujours sur une série de lavages. L’eau en somme formait la base nécessaire de cette métallurgie, qui devenait de plus en plus coûteuse à mesure que l’on était forcé de s’éloigner des rivières pour pénétrer dans l’intérieur. Ce fut bien pis lorsqu’on découvrit la richesse du versant supérieur des montagnes; on dut reconnaître en même temps qu’au point de vue économique l’exploitation n’en était pas possible dans les conditions d’alors, et qu’au lieu d’apporter aux rivières la terre des gisemens, il y avait tout avantage à détourner ces rivières, à les diviser en nombreux ruisseaux, et à les ramifier sur toute l’étendue des placers pour amener l’eau jusqu’au gisement même.

Quelques compagnies hydrauliques se formèrent bientôt et creusèrent des canaux, peu considérables à l’origine, mais dont le rendement fut tel que l’exemple trouva promptement de nombreux imitateurs. L’eau, conduite d’abord à de faibles distances, fut par la suite amenée des sources cachées au sein de la sierra, et l’on ne tarda point à voir le pays sillonné en tous sens par d’interminables aqueducs s’accrochant aux flancs des montagnes, franchissant les vallées en ponts suspendus, et finissant par s’épanouir en une gerbe de rigoles dirigées vers chaque centre d’exploitation. En 1855, on comptait, d’après le docteur Trask, l,854 kilomètres de conduites d’eau, réparties entre les mains de cent neuf compagnies, et représentant en travaux une somme de près de 13 millions de francs. Dix-huit mois plus tard, ce développement atteignait 3,500 kilomètres[1]. Un semblable accroissement démontrait assez à quel besoin de plus en plus impérieux répondaient ces entreprises; aussi l’énormité des gains se traduisit-elle par une élévation de tarifs partout admise sans conteste : un débit d’eau à peu près égal à ce que nous appelons le pouce des fonteniers se payait 1 dollar par jour. Parmi ces compagnies, il n’en était pas dont la mise de fonds

  1. Le mois de décembre 1858 a vu solennellement inaugurer dans le comté de Tuolumne le canal de Columbia, long de plus de 180 kilomètres, large de 3m 60 et profond de 1m 50. Il représente un capital de plus de 5 millions de francs.