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qui augmente la force de production et active la circulation, accroît aussi le pouvoir d’acheter et de payer avec des produits futurs la satisfaction des besoins actuels, qui sont sans bornes. De même, s’il est plus sage de se borner au crédit réel, c’est-à-dire de ne prêter que sur des opérations faites, on ne peut s’empêcher d’admettre que la confiance accordée à un travailleur en vue de son aptitude, le crédit personnel en un mot, ne repose souvent sur une base solide et ne constitue l’escompte d’un véritable capital, car tout est capital, le savoir, la probité, l’expérience acquise, etc. Mais une autre distinction des différentes espèces de crédit permettra peut-être de constater plus aisément les progrès qu’il s’agit de rechercher. On s’est beaucoup occupé dans ces dernières années de favoriser les opérations industrielles, de venir en aide à l’agriculture, et on a parlé du crédit industriel, du crédit agricole, pour les distinguer du crédit commercial. Cette division n’est peut-être pas très fondée en théorie, et il serait peut-être vrai de dire qu’il n’y a qu’un crédit s’appliquant à des objets divers. En fait cependant, le crédit commercial et le crédit industriel n’ont pas marché d’un pas égal, et ce dernier semble l’œuvre particulière et caractéristique du temps où nous sommes.

Si le commerce est l’échange des produits, comme l’industrie en est la création, on conviendra que toutes les opérations de banque, toutes les institutions qui ne s’occupent que de viremens, d’escompte et de dépôts gratuits n’avaient d’autre but que de venir en aide au crédit commercial. A coup sûr, leur clientèle se compose en grande partie d’industriels, mais au moment surtout où ces industriels font acte de commerce, c’est-à-dire lorsqu’ils vendent, et rarement lorsqu’ils produisent. Au point de vue commercial, les institutions françaises de crédit étaient suffisantes en principe et satisfaisantes comme théorie dès la fin du dernier siècle. Elles se sont largement développées dans la première moitié de celui-ci, et ont rendu des services de plus en plus signalés, quoique tout soit encore loin d’être fait sous ce rapport. Quant au crédit industriel proprement dit, qui procure les moyens de produire, et non plus d’écouler les produits, ce crédit qui active la création et la rend possible, non plus celui qui active la circulation, on peut dire avec vérité qu’il date de quelques années à peine, ou du moins que les efforts faits pour le consolider ou le développer sont très récens. La révolution de février a été la révélation désordonnée, excessive, des besoins de ce travail créateur ou industriel, et la réclamation violente des instincts des masses, jalouses d’émancipation dans leur travail.

Ce n’est pas à dire qu’avant l’année 1836, des essais considérables n’eussent été tentés pour venir en aide à l’industrie au moyen d’institutions de crédit. Toutes les banques d’Ecosse et d’Amérique dont