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nord, c’est encore la France qui a pris la tête, c’est de Paris que part l’impulsion, c’est encore à nous qu’appartient l’initiative de la propagande.

Ces résultats sont d’une évidence telle qu’il ne semble nécessaire de les établir par aucune preuve de fait. Quant aux moyens par lesquels ils ont été obtenus, il est curieux de les comparer d’une part avec ceux que l’on préconisait au début, et de les étudier ensuite au point de vue de l’avenir. A coup sûr, rien ne ressemble aujourd’hui à ce qu’on appelait en 1848 le crédit gratuit; jamais le capital n’a paru être plus puissant, ni mieux encourir l’anathème qu’on lui lançait alors au nom du travail. Et pourtant le travail s’est accru dans des proportions qui dépassent tout ce qui s’est vu. En France et hors de France, l’industrie a réalisé des progrès qu’on a essayé plusieurs fois d’indiquer ici. Le crédit s’est étendu, le capital a circulé avec une rapidité que l’on pourrait appeler prodigieuse, et il serait équitable d’en faire honneur aux grandes institutions financières créées depuis quelques années. Ces institutions, si différentes par leur esprit de celles que l’on réclamait en 1848, et qui ont soulevé des objections dont nous avons signalé le vice, se distinguent toutes cependant par un caractère commun : elles accusent des tendances contre lesquelles il est permis de faire des réserves. L’exemple des sociétés de crédit mutuel a été spécialement choisi pour leur être opposé.

Que, sous le rapport du bon marché du crédit, les unions de crédit, dont tous les frais se bornent à couvrir les risques de non-paiement et les dépenses d’administration, soient préférables aux établissemens par actions, cela est incontestable. Pourraient-elles suppléer entièrement à ceux-ci? Il est sage d’en douter, et par conséquent il ne faudrait pas nourrir le chimérique esprit des promoteurs de la ligue du crédit en Belgique. Cependant c’est à un autre point de vue que l’on doit se placer pour s’élever contre l’abus qui pourrait être fait de la forme actuelle des grands établissemens de crédit, et pour recommander l’usage des unions fondées sur la mutualité. Les uns centralisent, absorbent et dominent; les autres sont nés de l’initiative individuelle, l’excitent et la fortifient; les uns, munis de privilèges, garantis par la forme anonyme, détruisent la responsabilité personnelle, et, tout en développant l’industrie, affaiblissent les mœurs industrielles, que les autres retrempent au contraire et vivifient. Sans doute nos banques de crédit commercial, industriel et foncier, comme nos sociétés de chemins de fer, de mines, de métallurgie, de navigation, etc., sont des produits de l’association, cette force économique dont la science moderne a révélé, il y a si peu de temps, la puissance. Malheureusement la plupart de ces intérêts associés sont aveugles, et l’esprit de liberté ne les dirige pas toujours,