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tirer l’application injuste et blessante au Piémont seulement, et de la généraliser de telle sorte qu’elle pût être la pierre de touche de toutes les intentions, et devenir un gage anticipé de l’œuvre sérieusement pacifique du congrès. Ainsi s’est formée la nouvelle proposition du désarmement général, qui depuis quelques jours est venue rasséréner les esprits et les choses. Quelle est la portée exacte du désarmement général dont on parle, et d’où cette idée est-elle partie ? Nous n’oserions affirmer qu’en ce moment la portée du désarmement général fût exactement définie, et que la forme et la date de la mesure fussent déjà fixées. Le désarmement s’accomplirat-il avant l’ouverture du congrès, ou sera-t-il décidé au sein même du congrès ? Nous ne voyons pas une grande différence entre ces deux suppositions, car dans la seconde hypothèse, qui nous paraît être la plus probable, il est certain que le désarmement serait la première œuvre du congrès. Dans tous les cas, le désarmement général aurait le même caractère : il serait la préface des négociations. D’où en est venue la première pensée ? S’il en fallait juger par les déclarations des journaux semi-officiels de Vienne et de Berlin et par les informations anglaises, l’on serait bien embarrassé pour en donner le brevet au véritable inventeur. Vienne se présente comme ayant eu l’initiative, Berlin s’en fait honneur à son tour, et nous ne serions pas surpris que le gouvernement anglais, dans les explications qu’il a promises pour le 15 avril à la chambre des communes, ne briguât le premier rôle dans cette honnête conspiration de la paix. Ce que nous regardons comme certain, c’est que la demande du désarmement général, qu’elle y soit née spontanément ou qu’elle y ait été suggérée, est bien partie de Vienne ; c’est que la Prusse a chaudement épousé et recommandé la proposition, qu’elle se l’est pour ainsi dire appropriée dès qu’elle en a eu connaissance ; c’est enfitt que dans sa forme actuelle la vraie et sérieuse proposition de désarmement général a été produite par l’Angleterre. C’est du moins en passant par l’intermédiaire du cabinet britannique que l’idée de désarmement général a pris toute son autorité et toute sa force, et qu’elle est devenue l’expression : de la médiation dont parlent les journaux oflîciels de Berlin.

Il nous semble que la France, à quelque point de vue que l’on se place, est parfaitement à son aise vis-à-vis d’une demande de désarmement général. Dès le mois de janvier, au moment où l’Autriche envoyait les premiers renforts à son armée d’Italie, nous n’hésitions point à exprimer ici les craintes que nous inspirait cette précipitation dans les manifestations militaires. Nous rappelions, l’histoire à la main, que les armemens d’une puissance appelaient toujours ceux de la puissance adverse, et que c’est par cette concurrence de préparatifs que commençaient toutes les guerres. Nous avons, dans le même ordre d’idées, blâmé les préparatifs extraordinaires du Piémont ; ces préparatifs étaient inutiles, puisque d’une part ils ne pouvaient être sufiîsans dans l’éventualité d’une lutte où la Sardaigne eût résisté seule à l’Autriche, et que d’un autre côté le Piémont était mieux protégé que parson armée contre une agression autrichienne par son alliance défensive avec la France. De toute façon, une fois le principe du congrès adopté, il n’y a plus eu d’autre péril immédiat pour la paix que cette provocation mutuelle qu’entretiennent de part et d’autre des armemens excessifs. En France donc,