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a été la constante pensée de M. l’abbé Flottes ; ni les passions anti-philosophiques d’une partie du clergé, ni les excès de la science laïque, n’ont pu le détourner de sa voie. Sa modération est égale à ses lumières. On dirait un homme d’un autre âge qui, soutenu par l’esprit des maîtres, s’avance sans bruit, mais d’un pas sûr, au milieu des disputes théologiques de notre époque.

La biographie de M. l’abbé Flottes est bien simple. Né à Montpellier, dans les premiers jours de 1789, il n’est jamais sorti de sa ville natale. Entré jeune dans les ordres, après de solides et brillantes études, il a enseigné tour à tour la théologie au séminaire, la philosophie au lycée et à la faculté des lettres. Les œuvres pieuses de la charité, les œuvres sereines de l’étude, voilà les principaux événemens de cette vie si calme en apparence, et si activement remplie. Si j’avais maintenant à retracer en détail l’enchaînement des travaux de M. l’abbé Flottes, je le montrerais dès 1823 opposant aux périlleuses théories de l’Essai sur l’Indifférence la tradition du christianisme spiritualiste et revendiquant les droits de la raison individuelle. Vingt ans plus tard, quand une voix éloquente accusa Pascal de scepticisme, nous le verrions prendre la défense de l’auteur des Pensées, et découvrir chez lui un système philosophique bien différent de celui que M. Cousin condamnait avec une autorité si haute. Sur ce point, il est vrai, nous ne serions pas toujours du même avis que M. l’abbé Flottes; qu’importe, pourvu que nous soyons d’accord sur l’inspiration qui l’anime? Au milieu des péripéties du débat, les écrivains qui ont jugé le livre de M. l’abbé Flottes n’ont pas très nettement saisi à quel ensemble d’idées se rattachait cette œuvre. On n’a vu en lui que l’adversaire respectueux, le contradicteur érudit de M. Cousin, et on n’a pas remarqué, ce semble, la libérale pensée qui dominait pour lui la discussion. En écrivant l’apologie de Pascal, M. l’abbé Flottes a voulu prouver que le scepticisme théologique de nos jours ne saurait se couvrir de ce grand nom, que la doctrine des ennemis de la raison n’a pas de précédons parmi nos maîtres, qu’elle n’est pas seulement une erreur, mais une erreur toute nouvelle dans l’église de Bossuet et de Fénelon. Si M. l’abbé Flottes, entraîné par la thèse qu’il soutient, a un peu effacé l’originalité de l’auteur des Pensées afin de le ranger sous la même bannière que l’évêque de Meaux, cette façon d’apprécier Pascal, toute contestable qu’elle paraisse, est encore un titre pour le savant critique aux yeux de la philosophie libérale et du spiritualisme religieux. Le cours de philosophie que M. Flottes a professé avec tant de succès devant un auditoire d’élite, et dont sept volumes ont été publiés, nous donnerait l’occasion de mettre en lumière les richesses de sa pensée, si lumineuse et si précise. Dans cette série de leçons sur la vie intellectuelle, la vie morale et la vie religieuse de l’humanité, M. l’abbé Flottes a exposé toute une philosophie chrétienne. Un grand charme de cet enseignement, c’est la variété des témoignages de toute sorte que l’orateur cite à l’appui de ses doctrines. Saint Paul ne craignait pas d’invoquer les philosophes de la Grèce, les pères empruntaient des argumens aux écrivains et aux poètes de l’antiquité ; soutenu par ces exemples, M. l’abbé Flottes prend plaisir à extraire des écrivains profanes toutes les nobles pensées que peut revendiquer le spiritualisme chrétien. De là tout un trésor de citations, de