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donc intérêt à sauvegarder l’indépendance de l’église, qui n’est autre que la sienne propre. Quand l’Italie s’acquitte mal de cette fonction, elle souffre, et toute la chrétienté souffre. La civilisation dépend plus qu’on ne le croit de l’Italie. Au temps de Constantin, les grands de Rome, conservateurs des traditions, combattaient l’installation du christianisme; aussitôt Rome perdit sa puissance temporelle, qu’elle ne retrouva jamais, et son indépendance, qui de longtemps ne devait revivre. Après la chute de l’empire d’Occident, Grégoire II relève contre l’empereur iconoclaste la bannière de l’indépendance, et forme autour de lui le noyau d’une nation où germent les idées encore élémentaires de la ligue et des communes du XIe siècle. Puis le pape et le peuple se séparent; le pontife appelle la France à son secours contre les Lombards et les Grecs : c’est le début d’une période de misère où les papes n’ont plus de dignité dans leurs domaines agrandis, où les peuples végètent sous une féodalité corrompue. Au XIe siècle, le peuple et l’église s’unissent de nouveau; alors commence l’ère glorieuse des communes, de la ligue lombarde, des grands papes, des grands citoyens, des lettrés, des artistes, et pendant quatre siècles cette brillante renaissance s’étend à l’Europe entière. Enfin la désunion survient de nouveau, la civilisation et la religion se séparent. « L’Italie, dit Balbo, abandonna le soin de son indépendance, et fut à la merci de l’un ou de l’autre de ses deux voisins... L’église tomba en décadence et en dissolution, le catholicisme ne comprit plus la chrétienté, le pape ne fut plus le chef de la chrétienté tout entière, et, déchu de son ancienne puissance, il ne put rien pour l’Italie, comme l’Italie ne put rien pour lui[1]... » Mais un présage consolateur se montre aux yeux de Balbo dans cette période malheureuse : la papauté se relève dans Pie VII, qui, par sa résistance à Napoléon, se concilie les sympathies de tout le christianisme indépendant, et surtout de l’Angleterre. Cet exemple peut trouver des imitateurs; il se peut que le pape apprenne à se passer de la France et de l’Autriche, à agir par lui-même, à vivre de sa propre vie.

Tels sont les traits généraux du système politique exposé par César Balbo avant la révolution de 1848. Tout ce qu’il y remarque de positif et de précis concourt à établir la supériorité présente du christianisme indépendant. Dépouillée de tout mysticisme, sa philosophie historique conclut à ce qu’on adopte les moyens qui font prospérer l’Angleterre, en attendant que la papauté embrasse de nouveau l’univers moral agrandi. Que si Balbo ne peut faire allusion à la liberté politique, s’il ne peut encore écrire son beau livre sur la monarchie

  1. Pensieri della Storia d’Italia. Conchiusione.