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sidérait comme une nouveauté, ni surtout comme un étranger venu d’outre-mer. Des monumens écrits proclament au contraire qu’il a succédé, par voie de transformation, au personnage du Vice, qui jouait un grand rôle dans les anciens mystères de la Grande-Bretagne. C’était, ainsi que le clown du théâtre anglais moderne ou comme le gracioso des Espagnols, un être de fantaisie qui aimait à répandre sur les parties sérieuses du drame les traits de l’humour ou du ridicule. Il existe parmi les Selecta Poemata Anglorum, publiés par M. Popham, une pièce de vers latins dans laquelle le caractère de Punch se trouve gravé en traits reconnaissables, et qui ne se sont guère altérés avec le temps. On le représente comme un homuncio à figure comique, à ventre immense, qui surgit tout à coup au milieu des intrigues de la pièce, trouble tout, jette ses plaisanteries à travers les scènes les plus graves, lorgne les jeunes filles d’un œil qui les fait rougir, et provoque, par des bons mots obscènes, le rire des jeunes gens. Son nom, ajoute l’auteur du poème latin, est Punchius. La tradition anglaise veut en effet que Punch ait joué un rôle dans tous les drames sacrés ou profanes qui ont précédé la renaissance des lettres : elle le fait intervenir dans la pièce du Déluge, où il saluait le patriarche par cette exclamation : « Un triste temps, maître Noë ! (a hazy weather, master Noe!) » D’où un puppet-showman concluait un jour devant moi que le type de Punch était aussi vieux que le déluge et aussi immortel que l’Angleterre! Mais le beau temps de notre héros fut celui de Steele, d’Addison, de Gay, de Swift, qui n’ont pas dédaigné de décrire en prose et même en vers les merveilles des drames de bois, wooden dramas, dans lesquels ce don Juan bossu jouait toujours le premier rôle. Le Spectateur a même rendu célèbres les représentations de Powell, qui tenait un théâtre de marionnettes à Londres. Je dois pourtant dire que Punch ne fut pas toujours une simple marionnette : des acteurs bien vivans et bien anglais ont essayé plus d’une fois de représenter ce caractère sur la scène, particulièrement dans les foires et les théâtres de province. Après tout, il n’a manqué jusqu’ici à Punch qu’un génie dramatique de premier ordre pour le tirer de l’obscurité du puppet-show.

Il y a aujourd’hui mille manières de jouer dans les rues le petit drame de Punch and Judy. C’est un thème qui se prête à toutes les variations selon la fantaisie ou le talent du showman. Je croirais puéril de m’arrêter aux incidens, mais j’ai dû rechercher comment ce type du vice jouissait d’une si grande popularité en Angleterre. Il est d’ailleurs à remarquer que les querelles de ménage, trop souvent accompagnées de coups de bâton, se sont introduites dans la vie dramatique de master Punch à une époque relativement récente