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composition, le sucre également pur dans tout son tissu cellulaire ; il n’en saurait être ainsi d’après les lois générales du développement des végétaux. Dans les tissus jeunes ou en voie de formation dominent toujours les substances indispensables à la vie la plus active : ce sont, outre les cellules et les vaisseaux qui les renferment ou les charrient, des matières azotées analogues à celles qui constituent les parties molles des animaux, des substances grasses, salines, des solutions mucilagineuses. Puis viennent des sécrétions amylacées et sucrées ; cette dernière sécrétion, s’accumulant de plus en plus, devient abondante, surtout dans le tissu spécial saccharifère le plus anciennement formé. Vers l’époque de la maturité toujours irrégulière de la canne à sucre, les parties inférieures de la tige seraient à ce compte les plus riches, si les fibres ligneuses ne s’y étaient également augmentées, et si-déjà diverses causes n’avaient souvent produit quelques altérations dans le principe sucré. Les entre-nœuds ou mérithalles qui se succèdent de bas en haut se trouvent graduellement plus jeunes, en sorte que la sécrétion saccharine s’y rencontre de moins en moins abondante. Aussi comprend-on qu’une longue pratique ait appris aux colons les avantages de la suppression des parties inférieures trop ligneuses, dures parfois, ainsi que des derniers nœuds de la partie supérieure, trop jeunes pour être abondans en sucre, et contenant de trop fortes doses de substances étrangères pour que leur jus sucré ne soit pas très altérable et difficile à traiter dans les manufactures. Les jeunes mérithalles peuvent servir à faire des boutures dans des plantations renouvelées, ou bien être employés sous les chaudières comme combustible après la dessiccation. Ces faits physiologiques expliquent les difficultés qu’offre souvent l’extraction du sucre dans les contrées favorables d’ailleurs à la végétation de la canne, où, comme à la Louisiane, en Espagne, dans l’Algérie, la somme des températures jusqu’à la récolte est insuffisante pour amener une complète maturité. Dans ces contrées, le jus de la canne offre une densité variable ordinairement entre 6 1/2 et 9 degrés de l’aréomètre Baume, tandis qu’aux Antilles, au Brésil et dans l’Inde la densité du jus au même aréomètre s’élève de 10 à 13 degrés.

Pour donner une idée des différences déterminées par l’âge des cannes à sucre dans la richesse saccharine et les proportions de substances étrangères unies à la plante, je citerai les résultats généraux de l’analyse comparée d’une canne à sucre de Taïti à l’état de maturité convenable et d’une canne parvenue au tiers de son développement. La première contenait 18 centièmes de sucre et 1,30 de matières étrangères miscibles au jus et nuisibles plus ou moins à l’extraction du sucre. La seconde ne renfermait que 9,06 de sucre