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besoins, et ne leur permettront plus de se contenter du modeste salaire de 20 ou 25 centimes par jour. Ces changemens inévitables et prochains sont entrés dans les calculs des habiles ingénieurs manufacturiers empressés d’exporter sur tous les points du globe où l’industrie commence à prendre son essor les machines et appareils qui doivent suppléer à la cherté croissante de la main-d’œuvre, et qu’il reste à décrire.

Les machines, appareils et procédés anciens, en usage encore dans nos colonies, ainsi que dans les possessions anglaises, hollandaises, espagnoles et portugaises, et à la Louisiane, n’ont rien de commun assurément avec les engins et moyens grossiers employés dans les sucreries de l’Inde ; ils représentent toutefois un état intermédiaire entre ces derniers et les procédés nouveaux, qui, avec le cortège de leurs appareils plus ou moins perfectionnés, s’introduisent d’année en année dans les sucreries coloniales. Les appareils les. plus anciennement employés pour extraire le jus se composent en général, dans nos sucreries, de moulins à trois cylindres horizontaux en fonte, qui, convenablement dirigés et ralentis dans la vitesse de leur rotation, peuvent donner de 55 à 60 de jus pour 100 de cannes effeuillées. Ils ont remplacé dans la plupart des habitations les premiers moulins à cylindres et engrenages en pierre construits dans les colonies espagnoles, puis les presses à deux ou trois cylindres verticaux en fonte, très dispendieux de main-d’œuvre, et qui produisaient à peine 50 de jus pour 100 de cannes. La force motrice, en tout cas, est fournie dans ces usines par un cours d’eau, le vent, les bêtes de trait ou la vapeur.

Le jus sucré, appelé vesou¸ s’écoule dans un grand réservoir, où souvent on le laisse déposer pendant une heure, et bien à tort, car cet intervalle de temps suffit pour occasionner un commencement de fermentation, toujours fort préjudiciable, tandis que le peu de substances terreuses éliminées par ce repos n’auraient pu nuire sensiblement aux nouvelles opérations que l’on fait subir au jus pour l’amener à donner du sucre brut cristallisé ou moscouade. Dans cette nouvelle série de travaux, on rencontre d’abord l’épuration désignée sous le nom de défecation en France et d’énivrage aux colonies, puis l’évaporation ou concentration qui amène le jus plusieurs fois écume à l’état de sirop, enfin une cuite ou dernière concentration au degré où la cristallisation doit s’effectuer par le refroidissement.

Une fois mises en train, toutes ces opérations se poursuivent simultanément dans un équipage formé de cinq chaudières, disposées en une seule série dans le même fourneau : les jus et sirops s’y succèdent, passant de l’une à l’autre suivant l’ordre méthodique de