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teauneuf, trop fier et trop capable pour se résigner au second rang, secondé par des amis habiles et dévoués, le ferme et judicieux Servien, le conciliant Le Tellier, le pénétrant Lyonne, le premier président et garde des sceaux Mathieu Molé, le L’Hôpital du XVIIe siècle, Mazarin avait rendu au gouvernement royal de l’activité et de l’unité. De Poitiers, il s’était porté rapidement sur Angers, et avait enlevé toute la province au duc de Rohan-Chabot. Ensuite il était venu à Tours et s’approchait peu à peu de Paris. Il avait devant lui l’armée de la fronde, composée de deux corps distincts, l’un que conduisait le duc de Beaufort au nom du duc d’Orléans, l’autre, presque tout étranger, que le duc de Nemours avait amené des Pays-Bas. Ces deux corps formaient une armée assez considérable, mais ses généraux étaient plutôt de vaillans soldats que des capitaines, et, quoique beaux-frères, ils ne s’entendaient pas, tandis que l’armée royale avait deux chefs d’une capacité incontestée bien qu’inégale : le maréchal d’Hocquincourt, homme de guerre d’une rare vigueur, et Turenne, le meilleur lieutenant de Condé à Fribourg, à Nordlingen, à Stenay, jusqu’alors son disciple et bientôt son rival. Turenne, sans avoir le commandement suprême, avait pourtant l’autorité principale, et par sa propre supériorité et par le crédit de son frère, le duc de Bouillon, qui s’était définitivement accommodé avec Mazarin et l’assistait de ses conseils. Enfin le meilleur officier de toute l’armée de Nemours et de Beaufort, le baron Sirot, depuis longtemps lieutenant-gêné rai et l’un des héros de Rocroy, venait d’être mortellement blessé à l’attaque du pont de Gergeau[1].

D’autre part, à Paris, le faible duc d’Orléans, devenu comme le roi de la fronde, incapable de gouverner lui-même, était tombé de plus en plus entre les mains du cardinal de Retz, qu’il importe de bien faire connaître pour montrer tout le péril de la situation.

Né plus remuant encore qu’ambitieux, mauvais prêtre, impatient de son état et s’étant longtemps agité pour en sortir, Paul de Gondy s’était formé aux cabales en composant ou traduisant la vie d’un conspirateur célèbre; puis, passant vite de la théorie à la pratique, il était entré dans un des sinistres complots ourdis contre Richelieu, et pour son coup d’essai il avait fait la partie, lui jeune abbé, d’assassiner le cardinal à l’autel pendant les cérémonies du baptême de Mademoiselle[2]. En 1643, il n’eût pas manqué de se jeter parmi les importans ; mais le titre de coadjuteur de Paris, qu’on venait de lui accorder en récompense des services et des vertus de son père,

  1. Mort à Orléans de ses blessures le 8 avril 1652. Sur le baron de Sirot, voyez la Jeunesse de Madame de Longueville, chap. III, p. 215, Appendice, Bataille de Rocroy.
  2. C’est ce que nous apprend Retz lui-même, t. Ier liv. Ier, p. 23, édit. d’Amsterdam, 1751.