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galité internationale. Or dans la situation de l’Italie, envisagée au point de vue diplomatique, l’irrégularité la plus choquante et la plus périlleuse était jusqu’à ce jour la présence des Autrichiens dans les Légations et des Français à Rome. Il est donc naturel que les hommes d’état anglais aient vu dans ce fait la cause de guerre la plus dangereuse, et que la chambre des communes ait applaudi avec confiance à la nouvelle de l’évacuation, qui enlève à la guerre immédiate un de ses plus graves prétextes. Du reste, l’intervention étrangère à Rome n’a-t-elle pas été considérée depuis plusieurs années par les avocats de l’affranchissement de l’Italie comme leur grief le plus sérieux ? M. de Cavour, qui a eu l’honneur de tracer dès 1856 le programme de ces griefs de l’Italie, que le gouvernement français s’est approprié maintenant, ne dénonçait-il pas surtout dans ses notes, adressées il y a trois ans à lord Clarendon et à M. le comte Walewski, la présence des Autrichiens dans les Légations ? Lorsque l’empereur, dans son récent discours, a voulu définir d’un trait le péril de la question italienne, n’a-t-il pas parlé de la situation anormale de ce pays, où l’ordre ne peut être maintenu que par des troupes étrangères, et n’était-ce pas aux États-Romains que s’appliquait cette énergique et brève allusion ? Il n’est donc pas plus permis aux amis de la guerre, si la guerre pouvait avoir des partisans systématiques, qu’aux amis de la paix de méconnaître que l’évacuation des États-Romains est un vrai soulagement pour la politique française, un grand rassérénement dans les perspectives de l’Europe, et qu’elle supprime dans le présent la chance de guerre la plus redoutable.

Un autre acte d’une extrême importance, que le public a connu avant la résolution arrêtée de mettre un terme prochain à l’occupation militaire de Rome et des Légations, c’est la mission de lord Cowley à Vienne. Il y a deux choses dans cette mission : le fond même de la négociation que lord Cowley porte à Vienne, et l’intention qui a inspiré au gouvernement anglais une démarche si extraordinaire, et l’on pourrait presque dire si insolite.

Sur le fond de la négociation, nous ne pouvons, avoir que des pressentimens plus ou moins plausibles et d’hypothétiques lueurs. Cependant nous appréhenderions peu de nous tromper sur le sens général des conseils que lord Cowley est confidentiellement chargé d’adresser à la cour d’Autriche, en supposant que ces conseils auront trait aux conventions particulières contractées depuis 1815 entre l’Autriche et plusieurs des petits états de l’Italie. Après l’occupation des États-Romains par les troupes étrangères, ces conventions ont été le principal grief des amis de la liberté italienne. M. de Cavour faisait dès 1856 valoir ce grief auprès de la France et de l’Angleterre, en signalant comme contraires à l’esprit et à la lettre des traités de 1815 ces conventions particulières, qui rendent l’Autriche présente partout en Italie, qui étendent sa prépondérance politique et militaire au-delà de ses frontières légitimes, qui enlèvent toute indépendance à la vie intérieure et nationale des populations partagées entre les petits gouvernemens de la péninsule. Ces traités particuliers sont en effet une des plus choquantes anomalies de la situation de l’Italie. Ils consacrent le vicieux principe dont la présence des troupes étrangères dans les États-Romains est depuis dix ans en fait la conséquence la plus apparente, le principe de l’intervention étrangère dans