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la chute de Tempereur Soulouque. La Revue a raconté avec une curiosité trop amusée la fortune du tyran grotesque et féroce de Saint-Domingue pour qu’il lui soit permis de ne pas s’applaudir, au nom de l’humanité, de la fin de cette parodie bouffonne et sanglante dont l’empereur Soulouque a été le héros.

La session du parlement espagnol se prolonge à travers des incidens qui n’ont point une extrême nouveauté, et qui forment une sorte de lutte intermittente dont le dernier mot est loin d’être dit encore. C’est une chose assez étrange vraiment que, même après plusieurs mois de discussions, après des succès qui semblaient décisifs et dans une situation où les partis neutralisés ne brillent nullement par la fécondité et la puissance, on se demande toujours quelle est la force véritable, quelles sont les chances de durée du gouvernement actuel. Le cabinet du général O’Donnell a depuis longtemps proclamé sa politique de fusion et de conciliation, mais il n’en a pas fait une réalité. Il a une majorité qui lui vient en aide dans les circonstances décisives, mais il n’a pas réussi à faire de tous ces soldats épars et bariolés une armée disciplinée et animée d’un même esprit. Il présente des projets qui sont votés, ou discutés, ou ajournés ; mais il n’arrive pas à dissiper les doutes qui pèsent sur une situation confuse, et à tout instant, soit dans le congrès, soit dans le sénat, surgissent des difficultés, nées quelquefois de la force des choses, assez souvent aussi provoquées par le ministère lui-même. Un des symptômes les plus évidens de cette situation, c’est l’indécision universelle de la politique. À vrai dire, on ne sait trop ce que veut le général O’Donnell, si ce n’est qu’il veut vivre et qu’il se défend avec une persistance qui serait sans doute plus efficace, qui aurait des effets plus durables, si le but était plus clair. Si le général O’Donnell tient à pacifier les esprits et à faire prévaloir par cette pacification même la vérité du régime constitutionnel, il se sert quelquefois d’étranges moyens. Il n’y a pas longtemps encore, il frappait subitement de révocation quelques généraux sénateurs qui occupaient des fonctions actives et qui s’étaient laissé aller à l’illusion qu’ils pouvaient voter librement. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que le général O’Donnell, dans un rapport signé de lui en 1854, proposait à la reine la réintégration de plusieurs sénateurs fonctionnaires qui avaient été destitués dans des circonstances analogues par le gouvernement précédent pour ce même délit d’indépendance et de liberté de vote. La contradiction était flagrante. Quelle est l’opinion réelle du chef du cabinet ? Est-ce son opinion de 1854 ? Est-ce l’opinion manifestée par les révocations récentes des généraux sénateurs ? On serait induit à croire que le président du conseil entend la vérité du régime constitutionnel et l’indépendance parlementaire à sa façon, à la condition qu’il n’y ait point d’opposition contre lui.

Ces impatiences du pouvoir ne sont point absolument étrangères à un incident qui vient de surgir, et qui peut devenir la source de difficultés de plus d’un genre. Il existait en Espagne, jusqu’à une époque assez récente, une institution semi-religieuse, semi-administrative, qu’on appelait la commission de la Cruzada. Cette institution avait pour objet la distribution des indulgences pontificales et l’octroi, moyennant rétribution des fidèles, des dispenses du maigre pendant le carême ; elle avait d’habitude à sa tête un ecclésiastique d’un ordre élevé qui dans tous les cas jouissait du rang d’ar-