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correction, complètent l’ensemble des établissemens publics. On trouve encore dans cette jeune cité des banques, des compagnies d’assurance, des sociétés savantes, des imprimeries, des écoles, des hôtels, des magazines et deux journaux bi-hebdomadaires; enfin elle a deux loges maçonniques.

Le vice radical de la Tasmanie, aussi bien que des colonies australiennes, c’est l’énorme abus des boissons spiritueuses. La distance de cent vingt milles qui sépare Launceston de Hobart-Town est divisée en vingt stations, à chacune desquelles il y a en moyenne trois auberges; les voitures s’y arrêtent toujours. Le cocher, l’escorte et nombre de voyageurs y descendent pour prendre, disent-ils, un coup de brandy, c’est-à-dire un demi-verre d’une liqueur dévorante. Dans toute l’île, pour une population de quatre-vingt-un mille âmes[1], le droit annuel sur les spiritueux s’élève à 90,000 livres sterling. Les classes supérieures ont demandé qu’une limite à ces excès fût imposée par une loi de tempérance, et quelques personnes, allant plus loin, ont proposé l’interdiction absolue des liqueurs. Cette question est, après celle de la transportation, la plus agitée par la presse tasmanienne; mais les mêmes hommes que l’on va voir, sous le nom d’emancipists, plaider, et pour cause, les intérêts des anciens convicts, sont assez nombreux pour empêcher qu’on ne touche à leurs grog-shops, et qu’on ne les prive de porto, de gin et de brandy.

La plupart des petites villes et bourgades sont groupées dans un rayon peu étendu autour de Launceston et d’Hobart-Town; le reste de l’île est couvert de forêts et de pâturages; là un champ moins vaste qu’en Australie, mais encore considérable, est ouvert au squatterism. Moyennant une livre annuelle par cent acres, tout homme dont l’honorabilité est constatée peut obtenir une étendue considérable de terres de la couronne pour y promener ses troupeaux. Les établissemens plus réguliers des settlers sont épars en grand nombre dans l’intérieur, et tendent à se propager sur la rive gauche du Tamar, vers la pointe occidentale de l’île, dans le bassin fertile de la rivière Mersey. Ces établissemens offrent un remarquable comfort, et leurs propriétaires tirent des profits considérables de la culture du sol et de l’exploitation des bois; malheureusement les bras font défaut : les mines de l’Australie, qui ont rendu à la Tasmanie le service de la débarrasser de la plus grande partie des convicts qui l’infestaient, ont aussi enlevé beaucoup d’hommes exercés au travail de la terre. Telle est la pénurie de bras pour l’agriculture que le gouvernement colonial offre des primes à l’immigration : 20 livres pour les adultes du royaume-uni, 16 pour les autres Eu-

  1. Recensement de mars 1857.