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s’imaginent que les Bretons, les huttiers vendéens[1] et les Basques ressemblent aux Parisiens.

Le pays présente des contrastes non moins dignes d’intérêt. La plaine du sud est une contrée qui n’a de remarquable que ses « fleurs nouvellement écloses» et sa prodigieuse fertilité; la montagne, « belle comme l’entrée du paradis, » offre à l’observateur une multitude de sites admirables qui rivalisent avec les paysages les plus renommés du Tyrol, de la Suisse et de l’Ecosse. Le versant méridional des Karpathes unit les magnifiques richesses de la nature alpestre aux produits du midi. Là vivent au milieu de scènes sublimes les descendans de ces Roumains qui ont restauré à Campu-Lungu leur nationalité un moment étouffée par les invasions des Barbares, couverts du large kojok, coiffés de la couchma en peau d’agneau. Dans ces belles vallées s’est conservé pur le type de la race roumaine : les longs cheveux, « pareils à la plume du corbeau, » la « fine moustache, » les « yeux doux comme le fruit de la mûre, » le regard assuré, les épais sourcils, la barbe noire et les allures robustes. Le costume de ces dignes fils de la Roumanie est celui des prisonniers daces représentés sur la colonne trajane. Les ustensiles dont ils se servent, leurs armes, leurs instrumens de musique, ont le même caractère primitif. Ils portent dans une ploska, gourde en bois enrichie de sculptures peintes de diverses couleurs, les vins généreux de Kotnar, de Cruce, de Dragachani, de Soccola ou d’Odobesti. Les soldats du « roi des montagnes » Ianko avaient remplacé par la pique et par la faux le yatagan, « la massue grossière, hérissée de gros clous pointus, » et le patoche (épée à deux tranchans). Le hboutchoum, qui donnait autrefois le signal du combat, est encore l’instrument favori des pasteurs des Alpes bastarniques, et la puissance des sons qu’ils en tirent est si grande que lorsque le chef des bergers de Chalga, prisonnier du capitan Caracatouche et de ses haidouks', tira de son sein un boutchoum doré et se mit à en jouer, « les vallées en retentirent, les feuilles en frissonnèrent, les flots du Danube en bouillonnèrent, et les poissons parurent à la surface. »

Ces chants populaires, qui contiennent tant de renseignemens précieux sur les Roumains des anciens temps, renferment aussi plus d’une indication relative à la femme. L’humble paysanne et l’épouse du domnu, la vierge et la mère y paraissent tour à tour avec leur véritable physionomie. Ganta, « la jolie cabaretière, » Canta, « qui a de grands yeux provocans, » est sans doute un type vulgaire,

  1. Voyez, dans la Revue du 15 juillet 1850, les Huttiers et les Cabaniers du marais, par M. Emile Souvestre.