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du Japon. Déjà, on le sait, son premier traité avait été signé en 1856, et ce traité, un an plus tard, s’était augmenté d’articles additionnels péniblement obtenus par le commissaire néerlandais, M. Donker Curtius. Une commission de la seconde chambre des états-généraux, ayant à examiner ces transactions, fut obligée de reconnaître qu’elles étaient loin de répondre aux besoins du commerce. Le gouvernement lui-même ne le méconnaissait pas ; mais il croyait que c’était déjà quelque chose d’avoir amené le Japon dans une voie un peu plus large, et que les concessions obtenues devaient être considérées comme le commencement de concessions nouvelles. Il était si bien persuadé de l’insuffisance de ce qui avait été fait, qu’il songeait déjà à reprendre les tentatives près de l’empereur du Japon. Il négociait encore, et ces négociations ont conduit à un nouveau traité signé le 18 août 1858. La Hollande peut maintenant avoir un représentant diplomatique à Yedo. De nouveaux ports sont ouverts au commerce. Les Hollandais peuvent s’établir dans un certain nombre de villes et de ports ; ils ont la faculté de posséder, de louer des terres, de construire des bâtimens, et même de s’instruire dans les sciences et les arts japonais, sous la direction de professeurs japonais. La Hollande contribue ainsi, par des moyens tout pacifiques, par la persuasion, à ouvrir peu à peu cet empire mystérieux, où le commerce, l’industrie et l’esprit de l’Occident pourront s’introduire lentement et progressivement.

E. FORCADE.


REVUE MUSICALE.


Enfin le Théâtre-Lyrique a cessé de vaincre sous la bannière de Mozart. Cent vingt représentations des Noces de Figaro n’ont pas épuisé la curiosité, je veux dire l’admiration du public pour un vieil opéra chanté par trois femmes de talent sans doute, mais dont on a beaucoup exagéré le mérite. Ce succès, qui a ému, on peut le dire, toute la France, et qui a réjoui le cœur des vrais fidèles, a fait aussi le désespoir de bien des gens. Les compositeurs en herbe, les marchands de bric-à-brac et de musique du progrès, les faiseurs d’élégies sur le ruisseau, la prairie, les bois,… les demi-dieux exilés à l’Institut qui ont les poches pleines d’opéras épiques sur le siège de Troie, la prise de Babylone, l’incendie de Moscou,… les chanteurs émérites, les directeurs dans l’embarras, les poètes avariés, etc ;… tout ce monde rongeait son frein en maudissant la Providence, qui suscite les grands hommes et les chefs-d’œuvre immortels. Que de blasphèmes j’ai entendu proférer en cette circonstance ! « Mozart est bien heureux, disait-on, d’avoir rencontré trois cantatrices aussi distinguées pour faire ressortir ses petites mélodies courtes comme le doigt, accompagnées d’une pâle instrumentation où il n’y a ni tambour, ni trompette, ni saxhorns, ni saxophones, — instrumens très différens qu’il ne faut pas confondre, à ce que veut bien nous apprendre un facétieux faiseur de symphonies qui, depuis trente ans, cherche un public. — Avec le concours de Mmes  Carvalho, Vandenheuvel et Ugalde, quel compositeur moderne ne serait pas sûr d’un grand succès ? » Ainsi parlait ce peuple impie de musiciens, d’auteurs et de chanteurs, lors-