Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/557

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plique, y acquiert une dextérité supérieure, y introduit des économies par des inventions successives. Les transports sont plus faciles et moins coûteux en raison de la densité de la population qui fraie les chemins et rapproche les distances. Ainsi la tendance à l’enchérissement, inévitable à mesure qu’augmente le nombre des consommateurs, se trouve atténuée par ce progrès industriel que détermine l’élargissement des débouchés.

En ce qui concerne la loi de la rente et la loi du débouché, M. Courcelle-Seneuil n’a pas précisément innové, si ce n’est qu’il les classe parmi les phénomènes de production, tandis que dans les traités ordinaires elles sont considérées comme des faits de distribution. Cette différence tient à son plan et à sa manière de procéder. Appliqué à dégager le fait qui lui semble incontestable pour l’élever à la puissance d’une loi scientifique, il n’a reconnu les caractères d’une loi générale qu’au double fait que je viens d’exposer, l’influence corrélative des mouvemens de la population sur la propriété territoriale et sur l’industrie. Ces phénomènes ne se rapportent en effet qu’à la production des richesses. Certes ce n’est pas un médiocre mérite que cette dextérité à dégager la formule scientifique, à dissiper la confusion qui existe dans tant d’autres livres par le mélange incessant de la théorie et de l’application.

Le second livre de la ploutologie est destiné à exposer comment les choses produites et appropriées aux besoins de l’homme arrivent jusqu’aux consommateurs : c’est là, à mon avis, la partie originale et caractéristique de l’œuvre.

Le phénomène de la production des richesses est, comme on vient de le voir, dominé par certaines lois simples, essentielles, invariables, auxquelles l’humanité ne peut se soustraire, quel que soit d’ailleurs le milieu social où l’on opère; il n’en est pas de même quant à la dissémination des richesses produites; ce second ordre de phénomènes est incessamment diversifié par toute sorte de causes fortuites, d’arrangemens systématiques et arbitraires. En considérant les diverses sociétés passées ou présentes, il serait peut-être impossible de signaler deux peuples où la distribution eût été effectuée suivant des lois absolument semblables. Faut-il conclure de là que les accidens de distribution sont des jeux du hasard échappant à toute coordination scientifique? Ce serait aller beaucoup trop loin. Observateur calme et attentif, M. Courcelle-Seneuil constate que les divers phénomènes de cet ordre peuvent être ramenés à deux modes élémentaires, — distribution par voie d’autorité, — distribution suivant la liberté. Il est important d’insister sur cette distinction.

Au premier de ces deux modes se rapportent les innombrables cas où le pouvoir suprême intervient et influence par ses règlemens