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démission sous prétexte de santé, et qu’il entrerait comme contrôleur général dans l’administration des étapes et convois militaires, place ignorée et obscure où il espérait échapper aux investigations.

Il n’y trouva pas la sécurité qu’il y cherchait. Le flot révolutionnaire ne cessait de monter. La convention s’étant réunie, le girondin Servan dut céder son portefeuille à une créature de la commune de Paris, Pache, qui désorganisa le ministère de la guerre et en expulsa presque tout ce qui s’y trouvait encore d’employés honnêtes et capables. M. Miot alors se trouva dans une situation vraiment dangereuse. Il en était réduit à essayer de faire perdre sa trace par de fréquentes absences de Paris, lorsqu’un nouveau revirement, amené par l’influence du général Dumouriez, que ses victoires avaient pour un moment rendu tout-puissant, donna pour successeur au misérable Pache le général Beurnonville, l’ami et le compagnon d’armes du vainqueur de Jemmapes. Beurnonville, voulant réparer le mal fait par son ignoble prédécesseur et réorganiser les services qu’il avait jetés dans un effroyable désordre, fit appeler M. Miot et le rétablit dans son emploi de chef de division.

Cette espèce de restauration ne devait pas durer. On sait comment, la fortune des armes étant devenue contraire à Dumouriez, il passa à l’ennemi pour sauver sa tête, et comment, avant de consommer sa défection, il livra aux Autrichiens, avec les commissaires que la convention lui avait envoyés pour le surveiller et le contenir, Beurnonville lui-même, qui les avait accompagnés. On sait aussi que cet événement fut une des causes déterminantes de la chute des girondins et du triomphe définitif de la montagne. Le ministère de la guerre, devenu vacant par la captivité de Beurnonville, fut confié à un officier à peu près inconnu, Bouchotte, dont le seul titre était la faveur de la commune de Paris. M. Miot dut, pour cette fois, se croire perdu; mais Bouchotte était, à ce qu’il paraît, un tout autre homme que Pache. Sous des formes grossières et niaises il avait « un talent et des qualités propres à l’administration, un sens très droit, une application continuelle et raisonnée. Il développa... une grande activité. » M. Miot, qui lui rend ce témoignage, ajoute qu’il fut tout à fait étranger aux proscriptions qui firent tomber la tête de tant de généraux, et que souvent même il détourna le coup fatal de certaines personnes qui ne croyaient pas lui avoir cette obligation. Non-seulement il ne prit contre M. Miot aucune mesure de rigueur, mais il voulut absolument le conserver auprès de lui et lui témoigna une confiance entière pour tout ce qui se rapportait à l’administration, sans jamais lui parler de politique.

M. Miot cependant se sentait mal à l’aise. Il comprenait très bien que le moindre incident malheureux, le moindre revers éprouvé par nos armes pouvait le perdre sans retour, en appelant sur lui quel-