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grands désastres de la monarchie, et les dispositions qu’il a adoptées n’ont subi que des modifications insignifiantes jusqu’en 1848. Une économie rigoureuse était imposée par les circonstances : il réduisit les états-majors et les corps d’officiers au plus strict nécessaire. On pouvait alors désirer une rapide augmentation de l’effectif des troupes présentes sous les drapeaux : l’archiduc y pourvut par la création de la landwehr, réserve qui comprenait jusqu’à un certain âge tous les anciens soldats, et par l’affectation à chaque régiment d’un arrondissement spécial de recrutement. Il avait ainsi le double avantage de pouvoir rappeler dans les rangs un certain nombre de vétérans et de former plus rapidement les conscrits, qui ne voyaient sous les drapeaux que d’anciens amis ou du moins des hommes pris dans leur province et parlant leur langue. Les corps de cavalerie, les armes de l’artillerie et du génie se recrutaient par le choix dans les contingens des soldats les plus aptes à ces diverses spécialités. Dans les régimens italiens, la durée du service était limitée à huit ans ; elle s’élevait à quatorze ans pour les régimens allemands et hongrois. On pouvait y être appelé depuis dix-neuf ans jusqu’à vingt-neuf pour faire ensuite partie de la landwehr jusqu’à trente-huit; mais cette réserve n’a jamais été organisée en Italie. Les officiers appartenaient presque tous à la noblesse, surtout à celle des états héréditaires, car ils n’étaient pas astreints comme les soldats à une communauté d’origine, et les Italiens étaient loin d’obtenir dans leurs rangs, surtout pour les grades supérieurs, la part qui aurait dû leur revenir eu égard à la population de leurs provinces[1]. Il était de principe, afin de dépayser les troupes et de rendre les désertions plus difficiles, d’envoyer les régimens une fois formés dans des provinces éloignées de celles dont ils étaient originaires. Par suite de ce système, on n’avait pas à craindre qu’une insurrection pût trouver un appui bien solide dans des corps recrutés loin de la localité. La variété extrême des races qui forment l’empire d’Autriche s’opposant à la création d’une armée homogène et nationale, il était sage de confier la garde des pays qui inspiraient le moins de confiance aux régimens les plus dévoués; mais la dépense qui résultait de l’envoi des soldats à de grandes distances avait fait déroger souvent à ce principe, et en 1848, par exemple, l’armée d’Italie comptait un assez grand nombre d’Italiens.

Telle était l’organisation de l’armée autrichienne avant 1848. À cette époque, les régimens hongrois ayant tous pris parti pour l’insurrection, il a fallu les licencier, et l’empereur François-Joseph, qui s’attache à établir une union plus intime entre les diverses par-

  1. Les derniers règlemens n’ont rien changé sous ce rapport à l’ancien état de choses.