Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/668

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bre d’hommes nécessaire pour le service des pièces, est sensiblement le même en Autriche qu’en France. Chaque régiment comporte, outre les batteries, des hommes réunis en bataillons et spécialement chargés de la conduite des approvisionnemens en munitions.

L’artillerie de place n’est formée que de huit bataillons, qui remplissent des fonctions sédentaires; leur effectif total s’élève sur le papier à dix mille hommes. Un régiment de fusées (racketen) est une spécialité dont le corps de l’artillerie autrichienne est très fier, et sur laquelle il fonde de grandes espérances. Ces fusées passent en effet pour être les meilleurs projectiles de ce genre employés par les armées européennes, sans qu’on puisse appuyer ce fait sur des preuves bien certaines, et la force du régiment qui doit les manœuvrer s’élève à 4,000 hommes et 2,500 chevaux sur le pied de guerre. On sait que l’invention des fusées auxquelles le général Congrève a attaché son nom a pour objet de supprimer la plus grande partie du matériel encombrant de l’artillerie, et de faire porter les projectiles par des fusées semblables à celles de nos feux d’artifice, qui n’exigent qu’un chevalet mobile très aisé à démonter et à transporter. Ces fusées atteignent des portées énormes, de 4 à 5 kilomètres. D’après l’opinion des inventeurs, le bruit et la flamme qui les accompagnent doivent inévitablement porter le désordre dans la cavalerie, et l’explosion des obus dont elles sont armées doit détruire sans peine les parapets en terre qui protègent les batteries fixes. Il est très difficile de savoir ce que ces allégations ont de réel, car jamais les fusées n’ont été employées à la guerre d’une manière suivie : la portée et la simplicité de manœuvre de ces projectiles sont des choses hors de doute ; mais malgré les essais tentés par différentes nations, la justesse du tir laisse beaucoup à désirer, et présente des irrégularités considérables qui tiennent à des causes encore mal connues. Les fusées peuvent parfois prendre les directions les plus imprévues et même devenir dangereuses pour ceux qui s’en servent, sans que rien le fasse soupçonner à l’avance.

Les perfectionnemens les plus prochains que peut attendre l’artillerie ne paraissent pas devoir être cherchés dans la suppression, mais dans l’amélioration de la pièce. Depuis quelques années, beaucoup d’essais ont été tentés pour appliquer au canon le système des rayures, employé avec tant de succès par MM. Delvigne et Minié pour les petites armes. Au siège de Sébastopol, les Anglais ont essayé des canons dits Lancastre, qui n’ont pas réussi. Depuis, on a obtenu de meilleurs résultats; mais comme chaque gouvernement conserve le secret des expériences de ses polygones, comme aucun de ces systèmes n’a encore été employé sur le champ de bataille, on ne peut apprécier avec exactitude la valeur de ces inventions, ni présumer