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partie de l’Europe, de l’éloigner le plus possible de ses provinces et d’en transporter le théâtre sur les frontières du Piémont, du Dauphiné et de la Provence.

Dans un intérêt commercial autant que politique, l’Autriche regardait d’un œil non moins jaloux les efforts de la Suisse pour attirer chez elle le transit de l’Italie avec l’Allemagne du nord, et elle mit à ces tentatives toutes les entraves possibles. Au contraire elle fit exécuter de grands travaux sur les deux routes qui traversaient le pays des anciens Carni, peuple disparu avec les débris de l’empire d’Occident, et qui a laissé son nom à la Carniole et aux Alpes carniques. Par ces routes. Milan et la Lombardie se virent rapprochés de Vienne. Trois autres furent tracées ou améliorées à travers les Alpes rhétiennes et noriques, pour mettre en communication le nord et l’est de l’empire avec l’importante vallée de l’Adige. Celle de Vienne à Trente, par la vallée de la Drave ou Pusterthal et le col de Toblach, est toute nouvelle; celle d’Inspruck au contraire, par le col du Brenner, remonte à une haute antiquité, car on montre encore sur le versant nord une borne milliaire qui atteste le passage des légions romaines. C’est par là que les empereurs d’Allemagne envahissaient l’Italie lorsque la république de Venise leur interdisait le passage sur son territoire. La route du Brenner conduit directement d’ailleurs dans le Tyrol, qui a été de tout temps la province la plus dévouée à la maison de Hapsbourg et l’instrument le plus utile de son élévation.

Toutes ces routes, qui permettent de conduire rapidement une armée au milieu des plaines de l’Italie, n’ont pas encore paru suffisantes au cabinet autrichien. Il a jugé nécessaire d’en avoir une débouchant directement des montagnes sur le duché de Milan, qui forme la partie la plus avancée de ses possessions. Des travaux coûteux, d’une difficulté excessive, ne l’ont pas arrêté : il a su atteindre ce but dans des conditions telles que la route obtenue doit être considérée comme exclusivement militaire. Cette route du Stelvio, qui a pris le nom du col élevé qu’elle traverse, est sans rivale au monde : elle quitte la vallée supérieure de l’Adige à Prad et suit la vallée du Haut-Adda ou Valteline, après avoir franchi les Alpes à une hauteur de 2,800 mètres au-dessus de la mer, c’est-à-dire à plus de 200 mètres au-dessus de la limite des neiges éternelles. Les pentes s’élèvent plusieurs fois au dixième; le tracé adopté a exigé de nombreux ponts et plusieurs souterrains; la route se dessine parfois en lacets si raides et si courts qu’ils donnent le vertige, et beaucoup de voyageurs refusent de les descendre en voiture. Les difficultés excessives qu’il a fallu vaincre sont une garantie de sécurité pour la défense du territoire, car il sera toujours aisé de couper