Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/682

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un chef énergique et capable. L’avantage de ce camp retranché, outre le degré de force qu’il ajoute à la ville de Peschiera, est de menacer les flancs de l’armée qui tenterait le passage du Mincio à Goïto ou à Valeggio. La flottille du lac de Garde, qui trouve à Peschiera un abri et des magasins de charbon, pourrait aussi faire des descentes inopinées sur les bords du lac et gêner les attaques en les prenant à revers. Des écluses ont été établies afin de pouvoir à volonté élever le niveau du lac et de détruire, par des chasses dont l’effet se ferait sentir jusqu’aux lacs de Mantoue, les ponts de bateaux ou de chevalets que l’on aurait jetés sur le Mincio entre ces deux villes.

Le morcellement que l’on peut reprocher aux ouvrages de Peschiera se retrouve dans presque toutes les fortifications élevées par les Allemands, et il aurait suffi pour faire rejeter en France un semblable système de défense; mais en fait de fortification tout ce qui est vérité sur une rive du Rhin est taxé d’erreur sur l’autre bord du fleuve : l’épreuve d’un siège peut seule apprendre de quel côté se trouve la raison. En 1848, Peschiera a été enlevé par l’armée sarde après une médiocre résistance; cet exemple ne prouve rien quant à sa valeur actuelle, et d’ailleurs la garnison était peu nombreuse.

Mantoue est, comme Peschiera, dans une île du Mincio; mais cette île est vaste, sa superficie est de près de cinquante hectares, et elle est accolée à une autre de pareille étendue qui sert de champ de Mars, le Thé, où campait l’armée de Wurmser en 1796. Les deux îles se trouvent au milieu d’un lac formé par un élargissement de la rivière, et sont distantes de 800 mètres à peu près de chacune des rives. Mantoue est donc inabordable, et pourtant, si l’on réussissait à dessécher complètement le lac, il ne resterait qu’une fortification sans valeur; mais cette opération a été tentée dans le siècle dernier, et il n’en est résulté qu’un marécage infect jugé plus infranchissable que le lac lui-même. Un pénètre dans la ville par des chaussées étroites, au nombre de deux sur la rive gauche et de trois sur la rive droite. Quatre forts défendent ces passages, la citadelle et Saint-George à l’est, la Pradella et le Pietole à l’ouest. Les trois chaussées de Saint-George, de la Pradella et du Pietole forment digue et soutiennent l’inondation. Cette disposition des lieux explique la longue résistance de la ville et fait comprendre aussi comment des armées nombreuses ont pu y être bloquées par de simples divisions. Malgré ces défauts et l’insalubrité du lieu, qui a résisté à toutes les tentatives d’assainissement, Mantoue a conservé la réputation d’être la clé de l’Italie. L’empereur Napoléon avait fait améliorer les forts existans et construire celui du Pietole. Les Autrichiens n’y ont ajouté