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soulevée. Des positions avantageuses, savamment fortifiées, donnent à l’armée autrichienne une action très puissante sur le pays, et lui ménagent une retraite presque inexpugnable en cas de revers. Enfin un réseau de routes, établies au prix du plus rude labeur, non-seulement assure sa communication constante avec le centre de l’empire, mais encore menace continuellement l’ennemi d’une diversion de la plus dangereuse espèce. Tout paraît prévu, les côtes mêmes semblent hors d’insulte malgré l’état d’infériorité de la force maritime. Voilà bien des raisons qui pourraient expliquer la confiance du cabinet autrichien dans les résultats d’une lutte armée pour la défense de sa domination en Italie. Et cependant, si elle étale avec ostentation la grandeur de ses préparatifs, si même elle a cru devoir prendre à l’égard du Piémont une attitude comminatoire, si enfin elle a toléré que ses généraux exprimassent tout haut l’intention de traverser le Tessin pour détruire l’armée sarde avant l’arrivée de ses alliés, l’Autriche peut-elle méconnaître la puissance des moyens auxquels il lui faudrait résister? Les soldats de la France et de l’Autriche se sont souvent rencontrés sur le champ de bataille, et de nombreux exemples prouvent ce qu’il faut attendre d’une lutte qui les mettrait en présence. L’opinion de l’Europe est depuis longtemps fixée à cet égard. Souhaitons seulement dans l’intérêt des peuples, pour les progrès de la civilisation et de l’industrie, à qui la paix est si nécessaire, que cette vérité n’ait pas besoin d’une démonstration nouvelle, et qu’il ne faille pas recourir à la douloureuse et suprême épreuve de la guerre.


J’affaiblirais sans doute l’intérêt des pages qu’on vient de lire, si je les donnais comme un résultat de mes observations personnelles. Ma seule part dans ce travail est d’avoir rapproché les fruits de recherches anciennes ou récentes faites, sur des lieux dont une grande partie m’est connue, par des hommes distingués qui m’ont honoré de leur amitié. J’étudiais naguère sur la côte orientale de l’Adriatique les élémens de la force maritime de l’Autriche[1] : les circonstances actuelles servent d’excuse à la témérité avec laquelle j’aborde un sujet plus important, grâce à de précieuses informations et notamment à un remarquable mémoire qu’il m’a suffi bien souvent de reproduire. L’étude qui m’a surtout servi de guide apprendra peu de chose aux militaires et aux ingénieurs italiens; mais le but sera atteint si elle inspire à quelques-uns de nos officiers le désir, trop peu répandu dans notre armée, de se tenir au courant des

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 novembre 1856.