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protestations si justes ; mais lorsque ces nobles écrivains abandonnent cette invincible défensive, et dans leur impatience veulent pousser leur pays, et la France surtout, dans une guerre agressive ; lorsque, dans leurs excitations, nous les voyons oublier qu’il n’y a pas seulement en France un gouvernement investi d’une initiative puissante, mais qu’il y existe aussi une nation bien digne assurément d’un régime libre, et qui compte au moins autant dans le monde par son intelligence et sa raison que par le nombre de ses baïonnettes ; lorsque enfin nous voyons méconnaître, d’ans la ferveur d’amitiés nouvelles, les services rendus par le libéralisme français à la cause morale de l’Italie, et qu’on nous menace presque d,’explosions révolutionnaires, s’il ne nous convient pas de nous laisser emporter à l’élan italien, nous gémissons de cet esprit d’imprudence, d’imprévoyance et peut-être d’injustice, et nous dirions volontiers à ces enthousiastes que, s’il est beau d’être le martyr d’une noble cause, il est plus lieau encore de la faire réussir par la prudence et la patience. Tous les Italiens heureusement ne s’abandonnent point à cette fougue périlleuse. L’on nous envoie de Toscane même une adresse que l’on y signe en ce moment, et où sont résumés les vrais principes de la solution pacifique que comporte aujourd’hui la question italienne. Indépendance de tous les états de l’Italie garantie collectivement par les puissances européennes, renonciation de l’Autriche aux traités particuliers qui entravent cette indépendance et à l’occupation des forteresses de Gommacchio, Ferrare et Plaisance, — remaniement territorial pour donner plus d’homogénéité et de consistance aux petits états de l’Italie centrale, exclusion de toute force armée qui ne serait point indigène, institutions représentatives fondées sur les lois municipales et sur la liberté de la presse, tels sont les principes énumérés dans cette adresse que d’illustres Toscans se proposent de placer sous les yeux du congrès. Ces principes sont manifestement compatibles avec la paix, et ce serait l’Autriche qui encourrait la responsabilité morale de la guerre, si elle refusait de porter jusqu’à ce point les concessions que l’on attend d’elle.

En présence des préoccupations qui agitent le continent, et dont elle ressent cependant, elle aussi, le contre-coup douloureux, l’Angleterre donne en ce moment aux amis des libres institutions un spectacle attachant et fortifiant. Nous voulons parler de la grande discussion à laquelle donne lieu la seconde lecture du bill de réforme, et qui n’est point terminée encore, quoique la chambre des communes y ait déjà consacré cinq longues séances. Il y a longtemps qu’un débat parlementaire n’avait été nourri de discours aussi substantiels, aussi nerveux, aussi éloquens. Nous nous proposons de revenir en détail sur cette vaste instruction, où le régime parlementaire anglais a été si sérieusement analysé. Il y’a de grandes leçons politiques à recueillir pour tout le monde dans cette large et virile discussion, et nous ne ferons point défaut à cette tâche, lorsque le vote final aura clos la controverse ; mais une éventualité politique très grave est mêlée à l’issue du débat. Lord Stanley a, dès le début, annoncé que de l’adoption ou du rejet de la motion de lord John Russell dépendaient le sort du bill et la conduite que le sentiment de sa dignité dicterait au ministère. Y avait-il dans cette déclaration la menace de la démission du cabinet ou d’une disso-