Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en soit, l’armée piémontaise, espérance unique de l’Italie, fut défaite le 25 juillet à Custoza. Le 27, le ministère Balbo tombait. Le 29, le parlement confiait à la couronne le pouvoir législatif, dont il n’avait que faire dans cette crise suprême.

Alors on vit quelque chose d’étrange. Ce qui aurait dû n’être qu’un simple échec militaire fut un signal de ruine complète. Non-seulement le pape et le roi de Naples se montraient les adversaires décidés du Piémont, mais encore les populations de presque toute l’Italie se séparaient du malheureux Charles-Albert. L’union des souverains n’était plus après Custoza qu’une coalition pour le retour de l’ancien régime, l’union des peuples ne servait plus que les intérêts de la révolution. Tout était perdu : la défection du pape avait été mise à profit par les sociétés secrètes démocratiques et religieuses; elles avaient tout miné, et tout s’effondrait au premier choc. Le pape, en cessant de prêter sa force au parti modéré, avait dissous une association préparée pendant quinze ans : le temps manquait pour la reconstituer sur d’autres bases. La dictature papale prêchée par Balbo et par Gioberti avait été si bien acceptée dans l’origine comme la clé de la situation, que, par le seul fait de la retraite de Pie IX, l’anarchie se déclarait, l’œuvre d’indépendance se transformait en révolution. La question de prééminence ne se débattait plus qu’entre des cercles populaires, qui parlaient trop, et des cénacles d’un autre genre, qui se remuaient sans mot dire. Les complots mûrissaient, la révolte et la réaction employaient la force ouverte, se livrant des combats désordonnés, et le royaume subalpin, toujours monarchique et toujours libéral, était englouti dans cette mêlée, dont toute modération était exclue.

Pour bien définir cette situation, il faut remonter à l’allocution pontificale du 29 avril. Le pape, comme on sait, avait éprouvé de graves hésitations avant de se résoudre à cet acte, qui ne fut pas chez lui le résultat d’une détermination subite. On avait constaté dès le 30 mars un revirement dans ses allures; à cette date, il avait fermé les maisons de jésuites à l’occasion de quelques manifestations de la populace, et aussitôt on avait senti dans les rouages du gouvernement comme une gêne indéfinissable, quelque chose de semblable à ce que Gioberti, ministre en Piémont, appelait plus tard « le gouvernement occulte que je ne vois pas, et qui est plus fort que moi. » En effet, réduire une partie aussi puissante du clergé à manœuvrer secrètement, c’était doubler l’activité des associations clandestines de toute sorte. On a pu reconnaître que les premières tergiversations de Pie IX portent un cachet décrit à merveille dans les Provinciales. La puissance de la congrégation s’est relevée en effet sitôt qu’ont été closes les portes de la compagnie. Dès les premiers embarras,